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G.F. Haendel (1685-1759) : Duo Tanti Strali ; Cantate mi palpita il cor ; Duo Langue, geme ; Cantate La Lucrezia ; Duo final de Giulio Cesare. Claudio Monteverdi (1567-1643) : Duo final de L’Incoronazione di Poppea ; Lamento d’Arianna. Magdalena Kožená, mezzo-soprano ; Thierry Grégoire, contreténor ; Emmanuel Jacques, violoncelle ; Sharman Plesner, violon 1 ; Fabien Roussel, violon 2 ; Jory Vinikour, clavecin ; Jacques Maillard, alto ; Pascal Montheilet, Luth / Théorbe ; Serge Saitta, flûte.

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Le « Duo-Dijon », association des spectacles-concerts du Grand Théâtre et de l'Auditorium justifie tout à fait son nom pour cette soirée-récital du 17 décembre. Mais c'est le Grand Théâtre – à l'italienne – qui accueille , Thierry Grégoire, leurs accompagnateurs et un public venu en nombre les écouter…

Vis-à-vis de la mezzo-qui-monte, tout juste trentenaire, le préjugé est déjà largement favorable. Elle nous arrive avec un palmarès éloquent, auréolée de retentissants succès scéniques, discographiques et…du récent titre de « chevalier des Arts et des Lettres » que notre gouvernement vient de lui décerner. Son partenaire, Thierry Grégoire, bien que médiatiquement moins connu, n'en dispose pas moins d'une carte de visite impressionnante. Formé auprès des « pointures » du registre que sont Paul Eswood, James Bowman et le regretté Henri Ledroit, puis lauréat de la Fondation et du concours international Velluti, en 1997 (Italie), il a, depuis lors, entamé une belle carrière internationale. On a vu son nom à l'affiche de nombreuses réalisations, concerts ou enregistrements, sous la direction de chefs aussi divers que Marc Minkowski, Christophe Rousset, James Conlon, J.Cl. Malgoire ou Paul Mac Creesh. Il s'est déjà produit plusieurs fois, en duo, avec la mezzo tchèque.

Au programme de la première partie de ce récital : duos et soli de cantates italiennes de Haendel. Il faut dire que le passage du génial anglo-saxon en Italie dans la première décennie du XVIIIe siècle aura donné naissance à un foisonnement d'œuvres. Une abondance qui illustre une variété de genres – et de styles – plus importante sans doute que durant tout autre période de la vie du compositeur. Ainsi, si les pièces haendeliennes de ce programme n'ont pas toutes été écrites au cours de ce séjour italien, elles en sont le fruit du souvenir.

La virtuosité du duo Tanti strali, en trois parties, qui ouvre le programme , permet d'apprécier, d'emblée, les qualités des artistes à l'œuvre ; à commencer par l'harmonieuse alliance de leurs voix, tout particulièrement dans la suave partie centrale : ma se l'alma. Thierry Grégoire, dont l'articulation est bonne, la ligne mélodique parfaitement tenue et « modelée » et qui fait preuve d'un sens raffiné des nuances, nous paraît cependant en retrait par rapport à sa partenaire. La voix, au timbre agréablement « charnu » accuse, semble-t-il un certain manque de puissance et éprouve quelque difficulté dans les aigus. Par ailleurs, les passages vocalisés donnent une fâcheuse impression de « patinage ». Mais nous dirons, à sa décharge, pour l'avoir entendu au disque, qu'il ne se trouvait sans doute pas au mieux de sa forme ce soir-là…Son interprétation de la cantate mi palpita il cor appelle d'ailleurs moins de réserves, de même qu'il fera meilleure impression dans le second duo Langue, geme, contrasté dans ses deux parties où l'on passe « de la plainte mélancolique à la joie des retrouvailles » .

C'est dans la célèbre cantate la Lucrezia que va révéler les moyens – époustouflants – qui sont les siens. Cette scène, très « opératique » de par son caractère hautement dramatique offre, en effet, à la cantatrice, comme à bien d'autres avant elle, le terrain idéal de la « démonstration », de la « performance ». Elle ne va pas s'en priver. Longtemps plus à l'aise dans les airs empreints de lyrisme et de mélancolique douceur (cf. Mozart), les progrès effectués la rendent manifestement apte à aborder les œuvres estampillées « violence et passion ». Elle nous le prouve magnifiquement dans ces passages très contrastés où les explosions de colère véhémente alternent avec des accès de profond désespoir. La voix est merveilleuse, de timbre, de flexibilité, de netteté dans l'articulation, de brio dans le bel canto (vocalises et ornements étourdissants), et, oserons-nous la comparaison ?, elle partage avec une Cecilia Bartoli cette faculté de passer d'un prodigieux volume sonore à un mezza voce d'une infinie délicatesse, à vous tirer des larmes… Autre atout non négligeable : elle sait remarquablement bien se servir de ses mains et, en toutes circonstances, nous montre un visage dont le plus violent courroux ne parvient pas à enlaidir la beauté des traits. Ce dernier point, parfait pour le récital, pouvant malheureusement être reconnu comme un handicap à la scène lyrique…

Le continuo instrumental, à la hauteur des interprètes vocaux, leur dispense un accompagnement en tout point digne d'éloges. Superbe clavecin, quant à la facture duquel on aurait bien aimé être renseigné, et qui, sous les doigts experts de Jory Vinikour sonne magnifiquement. De même ne sont pas en reste le quatuor à cordes (et tout particulièrement le violoncelle d'Emmanuel Jacques, très souvent – et avec maestria – à l'ouvrage), Pascal Montheilet, toujours parfait au luth et au théorbe, ainsi que la flûte baroque de Serge Saitta.

La seconde partie nous plonge dans l'univers monteverdien, très fréquenté, lui aussi, du Couronnement de Poppée (duo final attribué à Benedetto Ferrari, élève de Monteverdi), du Lamento d'Ariane et nous invite à retrouver Haendel avec le duo final de Giulio Cesare. Si les duos ne nous apprennent rien de nouveau sur les qualités des interprètes (sinon celle du continuo, renforcé du concours des violons et de l'alto), le Lamento d'Ariane affirme encore, s'il en était besoin, l'évidente capacité de à « habiter » un rôle. Entre la vision hallucinée, à la limite de l'outrance, parfois, d'une Cathy Berberian et l'hédonisme hors de propos d'une Maria Feres, il y a naturellement place pour bien des lectures. Celle que nous propose la jeune mezzo tchèque et qui rappelle, par moments les options, au disque (cf.Lamenti) d'A.S. von Otter, d'un engagement intense, aux accents bouleversants, avec des gestes et un port – de reine – d'une grâce infinie, cette lecture-là ne peut que toucher, profondément, son auditoire.

Un auditoire visiblement conquis, transporté d'émotion et qui obtiendra, en bis, un duo extrait de L'Olimpiade d'A. Vivaldi.

Crédit photographique : (c) DR

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