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Ballets de Février à Paris : Alwin Nikolais, Jiří Kylián, Giselle

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I : Paris. Théâtre de La Ville. 24.II.2004. Soirée Alwin Nikolais. Chorégraphie, décor, costumes et son d’Alwin Nikolais. Avec la Ririe-Woodbury Dance Company, dirigée par Murray Louis et Alberto del Saz. Musiques enregistrées.

II : Paris. Opéra Garnier. 26.II.2004. Soirée Jirí Kylián. Musiques de Dirk Haubrich, John Cage, Anton Webern, chants grégoriens, Carlo Gesualdo et Claudio Monteverdi. Chorégraphies de Jirí Kylián, décors et costumes de Joke Visser, avec le Ballet et les Étoiles de l’Opéra de Paris. Musiques enregistrées et Les Arts Florissants, direction Kenneth Weiss.

III : Paris. Opéra Garnier. 4.III.2004. Giselle, musique d’Adolphe Adam (1803-1856), chorégraphie adaptée par Patrice Bart et Eugène Polyakov d’après Jean Corali et Jules Perrot (1841), décors et costumes d’Alexandre Benois, éclairages Yves Bernard, avec le Ballet et les Étoiles de l’Opéra de Paris. Orchestre de l’Opéra de Paris, direction David Coleman.

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soirée Alwin Nikolais Photo (c) Brent Herridge of Herridge & Associates 2003I : Rétrospective au Théâtre de la Ville

Jettera-t-on le même regard dans cinquante ans sur les chorégraphies de que celui émerveillé que l'on porte aujourd'hui sur celles d'. Les hasards du calendrier mettent en perspectives ces deux immenses chorégraphes du vingtième siècle respectivement Tchèque et Américain. (1910-1993), un des papes de la Modern Dance américaine au même titre que et Merce Cunningham, mais le plus ancien d'entre eux, a toujours entretenu des liens privilégiés avec Paris et notamment avec le Théâtre de la Ville qui l'a invité régulièrement à partir de 1971 C'est donc justice que celui-ci invite la Ririe-Woodbury Dance Company, ensemble de dix jeunes danseurs dirigé par Murray Louis et Alberto del Saz, qui propage aujourd'hui l'héritage Nikolais. Pas moins de sept pièces dont les créations s'étalent de 1953 à 1985 – un demi-siècle de travail – étaient au programme de cette soirée. Inlassable créateur, formidable plasticien, Nikolais a signé pour chacune chorégraphie, son (terme modeste pour désigner une musique de style répétitif le plus souvent excellente), lumière et costumes. Certaines pièces comme Crucible (1985), d'un humour dont Philippe Decouflé peut aujourd'hui revendiquer la succession, comme Tensile Involvement (1955) qui est la scène d'ouverture de The Company, dernier film de Robert Altman, semblent avoir été réglées hier. Mechanical Organ, la plus longue avec ses six parties et aussi la plus sensuelle de toutes, fascine par la fantaisie de la chorégraphie et la fraîcheur du vocabulaire utilisé. Une soirée nostalgique à laquelle on espère une suite dans les saisons futures.

Il faut qu'une porte ....Photo (c) ICARE

II : Il faut qu'une porte… création mondiale de à l'Opéra de Paris

Jiří Kylián, que ce soit avec le Nederlands Dans Theater dont il était encore très récemment le patron, ou pour travailler avec les danseurs du Ballet de l'Opéra de Paris, est invité chaque saison au Palais Garnier. C'est avec ce dernier qu'il a réalisé cette soirée qui comportait deux reprises et une création mondiale : Il faut qu'une porte…. Inspirée par le célèbre tableau de Fragonard Le Verrou dans la version conservée au Musée du Louvre, cette chorégraphie met en scène deux amants, dans l'exacte tenue du tableau, qui semblent s'adonner à toutes les variations que permettent les interrogations et les doutes qui surgissent à la lecture de cette peinture. Si les mouvements de poursuite qui surgissent de cette chorégraphie sont admirables dans les superbes costumes de Joke Visser, glissades, portés, ralentis, on reste un peu sur sa faim quant à la signification de toute cette dispute. Á la fin, le verrou enfin tiré, les deux amants se réconcilient et ensembles …croquent la pomme. La musique enregistrée de l'Allemand Dirk Haubrich, fidèle collaborateur de Kylián, musique montage de bruitage à partir du Prélude en ré majeur de Louis Couperin (interprété au clavecin pour ce montage par Kenneth Weiss), est très efficace.

Mais le très grand Kylián, celui qui réussit partant du minimalisme à faire l'immensité, le Kylián de « Sechs Tänze/Petite mort » sur Mozart, de « Symphony in D » sur Haydn, c'est dans « Stepping Stones » sur un montage convoquant des pièces pour piano préparé de John Cage et les « Six bagatelles » pour quatuor à cordes d'Anton Webern, qu'on l'a retrouvé. Peu importe que ces Stones soient les pierres d'un gué ou d'un chemin initiatique. L'insolite du décor avec ses trois chats égyptiens et les petites reproductions de statues que véhiculent les huit danseurs à bout de bras ou entre leurs jambes tout comme leurs maillots de baigneurs restent anecdotiques devant la constante invention d'une chorégraphie à la fois virtuose et athlétique. Des déhanchements savamment dosés sur les syncopes de la musique, un travail constant de rotation des bras, une coordination périlleuse avec le minimalisme de Cage et de Webern semblent un travail d'horloger suisse auquel se plient José Martinez, , Aurélie Dupont, et les plus jeunes et Guillaume Charlot avec beaucoup d'enthousiasme.

On ne reviendra sur «Doux mensonges », créé en 1999 par le Ballet de l'Opéra de Paris, que pour s'extasier sur sa distribution. Les enlacements savants et les portés acrobatiques et très originaux étaient cette fois transcendés par les deux couples Fanny Gaïda et Manuel Legris, et Nicolas Le Riche sur des chants grégoriens (Sben Kbar Venakbi) les madrigaux de Carlo Gesualdo (IV et XVII du livre VI) et de ( II et IIIè livres) chantés a cappella à la perfection par un groupe de huit chanteurs des Arts Florissants dirigés par Kenneth Weiss et costumés comme les danseurs sortant de trappes scéniques. Romantique, par excellence.

III : Giselle d'Adolphe Adam

C'est probablement le chef d'œuvre du ballet romantique. Le Ballet de l'Opéra de Paris en possède deux chorégraphies à son répertoire. Celle très moderne, iconoclaste, de qui sera reprise à la fin de la saison courante, et la très traditionnelle, réalisée en 1991 dans des décors et costumes copiant les originaux d'Alexandre Benois, par et Eugène Poliakof d'après la chorégraphie originale de Jean Coralli et (1924). Pour cette reprise de seize représentations pendant tout un grand mois, l'Opéra de Paris affichait pas moins de six distributions différentes. Deux prises de rôles pour des danseuses du Ballet, Aurélie Dupont et Mélanie Hurel, et deux artistes invitées, la bulgare Alina Cojocaru du Royal Ballet de Londres et l'ukrainienne du Théâtre Bolchoï de Moscou. C'est cette dernière que nous avons décidé de voir, tant avait été forte l'impression laissée par son incarnation d'Odile/Odette dans Le Lac des Cygnes présenté par le Théâtre Bolchoï lors de sa visite parisienne en janvier dernier (voir notre article du 12 janvier 2004). De fait, elle s'est révélé une délicieuse Giselle au premier acte, à la technique superlative et d'une ingénuité parfaite. Ses qualités dramatiques éclatent tant dans la scène de la folie qu'à l'acte blanc, merveilleusement entourée par toutes les Wilis dont on ne dira jamais assez la perfection et , superbe Reine des Wilis. On peut préférer d'autres princes Albrecht que celui un peu uniforme dans son expression tragique de . Il est vrai que l'Opéra offre actuellement un choix très vaste avec , Manuel Legris, José Martinez, le plus jeune et à notre sens le meilleur aujourd'hui, Nicolas Le Riche. Le Hilarion violent de était très en situation. Sans vouloir dénigrer l'excellent Orchestre Colonne, souvent sollicité pour les représentations de Giselle, justice est mieux rendue à l'excellente partition d'Adolphe Adam quand l'Orchestre de l'Opéra de Paris est dans la fosse. Ce soir là, David Coleman l'a dirigé avec une émotion contagieuse.

Crédit photographique  I. : © Brent Herridge of Herridge & Associates 2003. II. et III. : © ICARE

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I : Paris. Théâtre de La Ville. 24.II.2004. Soirée Alwin Nikolais. Chorégraphie, décor, costumes et son d’Alwin Nikolais. Avec la Ririe-Woodbury Dance Company, dirigée par Murray Louis et Alberto del Saz. Musiques enregistrées.

II : Paris. Opéra Garnier. 26.II.2004. Soirée Jirí Kylián. Musiques de Dirk Haubrich, John Cage, Anton Webern, chants grégoriens, Carlo Gesualdo et Claudio Monteverdi. Chorégraphies de Jirí Kylián, décors et costumes de Joke Visser, avec le Ballet et les Étoiles de l’Opéra de Paris. Musiques enregistrées et Les Arts Florissants, direction Kenneth Weiss.

III : Paris. Opéra Garnier. 4.III.2004. Giselle, musique d’Adolphe Adam (1803-1856), chorégraphie adaptée par Patrice Bart et Eugène Polyakov d’après Jean Corali et Jules Perrot (1841), décors et costumes d’Alexandre Benois, éclairages Yves Bernard, avec le Ballet et les Étoiles de l’Opéra de Paris. Orchestre de l’Opéra de Paris, direction David Coleman.

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