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Franz Liszt Sonate en si mineur, Trübe Wolken, Richard Wagner-Venezia, Unstern! Sinistre, 4 petites pièces pour piano, En Rêve, Schlaflos ! Frage und Antwort, La lugubre Gondola II. Paul Lewis, piano. Harmonia Mundi – HMC901845.

 
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Franz Liszt par Paul Lewis« Il faut qu'il y ait une idée, pas un amas de pseudo-idées » ().

Après trois enregistrements consacrés à Schubert et un disque Mozart, nous revient cette fois-ci dans un programme alléchant consacré à la fameuse Sonate en si mineur et à quelques pièces de vieillesse du Roi des pianistes, le grand . Révélé lors de la World Artist Competition et profitant des conseils avisés d'Alfred Brendel, s'est vu invité ces dernières années par les plus grandes salles européennes. Ses disques et DVD Schubert ont été encensés par la critique, nos collègues n'hésitant pas à le qualifier respectivement d' éminent schubertien » (Jérôme Bastianelli, Diapason) soulignant « l'idéal de simplicité » de son jeu (Alain Lompech, Le Monde).

Et c'est malheureusement cet « idéal de simplicité » qui nous semble faire défaut dans l'enregistrement Liszt que nous propose le pianiste britannique. Une tendance prononcée au rubato excessif entache toute l'interprétation de la Sonate en si mineur. D'autres avant lui ont tenté cela et avec succès me direz-vous … Mais si Pogorelich osait des allargando originaux, Argerich et Barère des fulgurances qui n'appartiennent qu'à eux, tout cela semblait s'accorder à merveille avec une vision romantique, « faustienne » — c'est ainsi que Cortot voyait avec perspicacité cette Sonate — de l'œuvre. Lewis, quant à lui, malgré une technique impeccable et un toucher d'un velouté réellement remarquable, semble tout simplement surjouer ou plutôt « déjouer » ce grand monument romantique. Ce jugement pourra sembler sévère tant le piano de Lewis est charmeur et ses sonorités riches et contrastées. Son interprétation est d'ailleurs parsemée de grands moments de musique, tel le superbe et émouvant exposé du thème de Marguerite, ou encore une fugue d'une précision méphistophélique. Mais c'est bien d'une unité formelle que manque ici cette Sonate. C'est d'ailleurs le grand défi que l'œuvre impose à son interprète. Et même si de nos jours n'importe quel jeune Prix de Conservatoire peut en surmonter les exigences techniques, c'est bien sous les doigts des plus grands que ce chef-d'œuvre, enregistré trop tôt par beaucoup de jeunes interprètes, révèle toute sa splendeur. Aussi, on retournera très vite aux références que sont la féline Argerich, le démoniaque Barère, le singulier Pogorelich, l'halluciné — et hallucinant ! — Sofronitski et surtout aux architectures monumentales et inégalées édifiées par un Zimerman ou un Curzon (préférentiellement la version live, malgré les « imperfections » techniques).

Pour compléter le programme de ce disque, a choisi de coupler à la révolutionnaire sonate, quelques-unes des visionnaires pièces de vieillesse de Liszt. Couplage maintes fois éprouvé (Brendel, Pollini, Zimerman…) et très pertinent.

Le choix des pièces est parfait, avec les œuvres les plus incroyablement modernes de Liszt, tel l'effrayant Unstern, cette Lugubre Gondola II aux sublimes et inédites modulations mais aussi les plus rares Quatre petites pièces.

Ce Liszt là annonce déjà, avec plusieurs années d'avance — voire plusieurs décennies — les créations les plus inspirées de Bartók ou de l'Ecole de Vienne. On admirera ici encore les qualités plastiques de Lewis, mais il semble stylistiquement très loin de cette notion de modernité, entachant d'un certain maniérisme la partie centrale (avec ses géniaux tritons) d'Unstern, et interprétant La lugubre Gondola II tel un opus tardif de Rachmaninov là où on attend plutôt une préfiguration de Scriabine.

Au bilan, ce disque n'est donc pas à la hauteur des précédents que nous a laissés Paul Lewis. Tel celui d'Alfred Brendel pour Philips, le Liszt de Lewis manque de construction. Le pianiste britannique nous fourni certes un superbe « écrin », avec sa sonorité si riche — malheureusement peu mis en évidence par une prise de son aux aigus très secs et métalliques – mais point de bijou à l'intérieur !

On ne félicitera pas Harmonia Mundi qui, outre une prise de son de piano très moyenne, nous emballe encore ce disque dans un horripilant digipack, fragile et dénué d'un quelconque intérêt pratique. Les aficionados du pianiste se consoleront avec le beau décolleté et le sourire carnassier de la photo de couverture – signe supplémentaire du goût très fin du concepteur de la pochette. Au final, parmi les jeunes pianistes d'Harmonia Mundi, c'est plutôt à Franck Braley qu'on aurait aimé qu'un tel projet fut confié, tant l'intelligence et la rigueur d'approche de cet excellent pianiste semblent mieux correspondre au répertoire abordé.

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