La Scène, Spectacles divers

Le Passage des Heures, Ode sensationniste : l’intranquillité bienvenue aux Subsistances

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Lyon, *Les Subsistances. 19-X-2004 (du 15 au 23 octobre). Le Passage des Heures, ode sensationniste, d’Alvaro de Campos, alias Fernando Pessoa. Mise en scène : Pierre Baux. Collaboration artistique : Célie Pauthe, Violaine Schwartz. Directeur musical et compositeur : Dominique Pifarély. Avec Claire Merlet (alto), Hélène Labarrière (contrebasse), Violaine Schwartz (actrice), Dominique Pifarély (violon), Pierre Baux (acteur).

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© Philippe Cibille

D’abord le contexte. Parce qu’ici, et ailleurs, on a bien le droit de ne pas trop savoir situer Fernando Pessoa (droit d’ignorance soumis à condition : celle d’y remédier bientôt !) : il est avec Camœs, et quelques autres, l’un des très grands écrivains portugais (un poète philosophe ?), du début XXe. Son cas est peut-être unique dans la littérature universelle : il utilisait, au grand jour, de multiples hétéronymes : les textes de ce soir étaient signés Alvaro de Campos (Le Passage des Heures, fragments épars retrouvés après sa mort, néanmoins signés « AdC », sinon identifiables par le style, par le rythme, nous dira le traducteur après le spectacle). De Campos avatar donc de Fernando Pessoa, celui du Livre de l’Intranquilité. On a pu parler d’exil intérieur, formule très juste, puisque que Pessoa ne s’est quasiment jamais absenté de Lisbonne. Tandis qu’Alvaro de Campos, ingénieur naval, a beaucoup voyagé… C’est Pessoa lui-même qui le précise clairement dans un portrait d’Alvaro de Campos, signé Pessoa… Vous suivez ? Mais si ! « Exil intérieur », « nomadisme intérieur » aussi…

Dominique Pifarély, violoniste, compositeur, et sur scène ce soir parmi les musiciens, est étiqueté jazz. Mais il cherche volontiers d’autres façons d’être musicien. Comme par exemple Louis Sclavis, qu’on aura reconnu ce soir, pourtant discret parmi le public, mais depuis longtemps compagnon de jeux sur d’innombrables scènes. Pifarély est le compositeur de la musique entrelacée dans les mots de Pessoa-De Campos, dits par Pierre Baux et Violaine Schwartz, acteurs forts.

Le spectateur constate les mêmes problématiques de jeu qu’à l’opéra : Violaine Schwartz s’était appropriée les mots de De Campos et les jetait comme siens (travail d’actrice) ; alors que Pierre Baux, plus visiblement comédien, livrait non ses mots, mais bien ceux de De Campos… : travail de metteur en scène, son autre casquette dans cette affaire ? Affaire superbe, et comme l’expliquera le compositeur après le spectacle, compliquée par les improvisations des trois musiciens, puisque musique écrite et moments improvisés cohabitaient. Moments improvisés aussi soignés, contrôlés, parce que « l’impro, ça ne s’improvise pas », dixit Pifarély ! Ainsi, et comme lors d’un concert de jazz, les acteurs, délibérément à égalité de statut scénique avec les musiciens (et réciproquement !), devaient improviser en réponse. Non pas le texte bien entendu, mais l’expression, le phrasé, la « musique » du texte. Fascinant !

Fascinant, et brillamment révélateur d’une écriture littéraire tout à fait musicale, que Pessoa – et ses avatars, quoique chacun dans sa technique propre – revendiquait(aient !). Et on note avec intérêt le mot « ode » dans le sous-titre de l’œuvre … Après le spectacle, vérification faite avec gourmandise, on ne lit plus De Campos-Pessoa de la même façon. Et on identifie mille choses à discuter, à explorer, seul ou en amicale compagnie – le rapport de ceci avec les formes opéra, Lieder ; le foisonnement des propositions musicales en France – et ailleurs ? – sur les textes de Pessoa ou de ses hétéronymes ; que perdons-nous dans l’exercice, du sens musical ou du sens littéraire ? Et comment qualifier ce que nous y gagnons ? – D’autres points encore apparaîtront dans notre esprit au fil des jours à venir : n’est ce pas là le signe exact d’un spectacle réussi ?

Un compliment a été proposé, et apprécié par les acteurs, musiciens, metteurs en scène, et le traducteur, tous là après le spectacle ce 19 octobre : « n’êtes-vous pas, ensembles ou séparément (le traducteur du texte d’une part et les traducteurs d’émotions d’autre part) des avatars inédits de Pessoa ? »

* Retrouver les informations sur www. les-subs. com

Crédit photographique : © Philippe Cibille

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Lyon, *Les Subsistances. 19-X-2004 (du 15 au 23 octobre). Le Passage des Heures, ode sensationniste, d’Alvaro de Campos, alias Fernando Pessoa. Mise en scène : Pierre Baux. Collaboration artistique : Célie Pauthe, Violaine Schwartz. Directeur musical et compositeur : Dominique Pifarély. Avec Claire Merlet (alto), Hélène Labarrière (contrebasse), Violaine Schwartz (actrice), Dominique Pifarély (violon), Pierre Baux (acteur).

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