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Kátia Kabanová de Janácek à l’Opéra de Paris

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Paris. Palais Garnier. 31/X/2004. Leoš Janácek : Kátia Kabanová. Angela Denoke (Kátia), Jane Henschel (Kabanicha), Dagmar Pecková (Varvara), Ulrika Precht (Glacha), Christoph Homberger (Tichon Kabanov), David Kuebler (Boris Griegorievitch). Orchestre et Chœurs de l’Opéra de Paris, Sylvain Cambreling (direction), Peter Burian (chef des chœurs). Christoph Marthaler (mise en scène), Anna Viebrock (décors et costumes), Olaf Winter (lumières).

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L'Opéra de Paris présente au Palais Garnier Kátia Kabanová de Leoš Janácek dans la surprenante production de coproduite par le Festival de Salzburg et le Théâtre du Capitole de Toulouse et qui a déjà eu les honneurs du DVD.

Exemplaire musicalement sous la direction de et avec l'excellente en Kátia, c'est un spectacle d'une grande force qui rend pleinement justice au chef-d'œuvre de Janácek.

Plutôt ralentie après sa création à Brno en 1921, la carrière de « Kátia Kabanová », semble s'implanter solidement en Europe après que Paris, Berlin et Glyndebourne ont ajouté à leur répertoire des productions aussi recommandables que l'époustouflant spectacle réalisé par le metteur en scène suisse en 1998 à Salzburg. Il rendait pleinement justice à un des opéras, au même titre que le « Wozzeck » d', les plus forts scéniquement composés au XXe siècle. Réduite au lieu unique, la cour centrale d'un immeuble aux murs lépreux ressemblant en tous points à une H. L. M. d'un pays communiste dans les années cinquante, l'action de ce drame bovarien slave inspiré de « L'Orage » d'Alexandre Ostrovski, est restreinte à l'essentiel tout comme l'avait souhaité Janácek en construisant sa partition avec une rare économie de moyens. « Kátia Kabanová », opéra que le compositeur encore soucieux d'économie réductrice aurait préféré nommer par trois astérisques, car «tout y est un jeu d'angles aigus et de lignes droites, et d'abord une intrigue dont la simplification va jusqu'à l'abstraction».

On est surpris cependant de retrouver ce décor magistral et impressionnant un peu coincé sur la scène de Garnier dont l'ouverture de rideau ne permet pas d'en voir toute la hauteur. La conformation à l'italienne de la salle, sans parler de ses ors qui tuent un peu toute tentative de modernisme, ne permet pas à toute une partie des spectateurs de voir ce qui se passe dans la profondeur du décor et leur fait manquer une partie substantielle de l'action. Constatation consternante car c'était typiquement le type de spectacle adapté à la salle bastillane… mais on n'avoue ne pas comprendre les ressorts de la politique guidant le choix des salles à ce stade encore précoce de la nouvelle programmation de Gérard Mortier. Il n'est pas certain non plus que de donner l'œuvre sans entracte lui bénéficie beaucoup, car elle n'est pas, comme l'est « Wozzeck », construite de façon cinématographique et le découpage en acte permet d'absorber plus facilement certaines petites longueurs.

Dans ce spectacle, qui succède à celui de Gœtz Friedrich créé en 1988 à Garnier (dont la translocation à Bastille avait été un succès) et qui a vu des interprètes aussi prestigieux que et Karen Armstrong, point de Volga envoûtante et mystérieuse, mais un curieux bassin dont les jets semblent réglés sur les pulsions sexuelles des protagonistes, où Kátia s'allonge pour sa noyade finale telle une Mélisande moderne qui, au lieu de jeter symboliquement sa bague à l'eau, s'y coucherait elle-même. Pas de chemins mystérieux dans le parc mais une armoire qui sert à remiser missels et bouteilles d'eau-de-vie et recèle la porte secrète par laquelle doivent passer les amoureux coupables. Et l'omniprésence étouffante des voisins dans cet immeuble décrépi où tout le monde se voit et s'espionne, ajoutant à l'angoisse de la situation. En cela , par une direction d'acteur taillée au diamant, et en enfermant l'action dans ce lieu de malaise, ont réussi un des spectacles lyriques les plus forts que l'on ait pu voir ces dernières années.

Musicalement aussi l'entreprise est exemplaire avec une distribution sans faute, que l'Opéra de Paris reprend quasiment inchangée de l'originale, largement dominée par le soprano allemand , grande voix claire, juste et droite qui donne au rôle introverti de Kátia des accents bouleversants et l'incroyable belle-mère boulimique et alcoolique au chignon tambour, la Kabanicha de l'Américaine . Chez les hommes, trois formidables ténors se partagent les rôles : , Tichon, , Boris un peu plus effacé que dans notre souvenir et, nouveau venu pour Kuriach, le Britannique , sans oublier le Dikov très en relief de la basse allemande Roland Bracht.

Comme à Salzburg et Toulouse c'est qui dirige d'une façon très analytique mais colorée et lyrique, cédant cependant parfois à son péché mignon qui est de faire sonner l'orchestre trop fort au risque de couvrir les chanteurs. Mais ne nous plaignons pas, ce qui sort de la fosse est un chant subtil et souvent déchirant, on y voit Volga et orage que nous refuse la scène, joué par des musiciens qui savent, quand ils le veulent, être les meilleurs de notre pays.

Le DVD de la production salzbourgeoise filmé en direct au Festival en 1998 est disponible pour ceux qui manqueraient cette immanquable occasion : 1 DVD TDK (distribution Intégrale) PAL 16 : 9. Durée 107 min. Sous-titrage en 5 langues.

Crédit photographique : © DR

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Paris. Palais Garnier. 31/X/2004. Leoš Janácek : Kátia Kabanová. Angela Denoke (Kátia), Jane Henschel (Kabanicha), Dagmar Pecková (Varvara), Ulrika Precht (Glacha), Christoph Homberger (Tichon Kabanov), David Kuebler (Boris Griegorievitch). Orchestre et Chœurs de l’Opéra de Paris, Sylvain Cambreling (direction), Peter Burian (chef des chœurs). Christoph Marthaler (mise en scène), Anna Viebrock (décors et costumes), Olaf Winter (lumières).

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