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Tournée Boulez-Webern-EIC Acte I

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Grenoble. MC2. 13-XI-2004. Anton Webern (1883-945) : Quintette pour cordes et piano, Trois Textes populaires opus 17, Cinq canons sur des textes latins opus 16, Concerto opus 24, Six Lieder sur des poèmes de Georg Trakl opus14, Symphonie opus 21, Trois Lieder opus 18, Cinq Lieder spirituels opus 15, Quatuor à cordes opus 22, Deux Lieder sur des poèmes de Rainer Maria Rilke opus 8, Quatre Lieder opus 13, Cinq Pièces pour orchestre opus 10. Avec : Christiane Œlze et Valdine Anderson, sopranos. Ensemble Intercontemporain, Direction : Pierre Boulez.

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En prélude à l'ouverture du festival des XXXVIIIe Rugissants (du 24 Novembre au 4 Décembre 2004), la MC2 de Grenoble proposait ce samedi 13 Novembre une soirée Webern. Le Quatuor Debussy puis l', dirigé par ont offert au public grenoblois deux concerts autour de ce compositeur mal connu. Le programme de la deuxième partie de soirée semblait conçu comme un voyage progressif au cœur de la musique très « intellectuelle » d' : ce concert a débuté et s'est achevé par les deux pièces les plus faciles d'accès, comme pour aider le public à entrer puis à sortir en douceur de cet univers sonore et cette conception du temps si particuliers.

Bien plus que le programme, ce sont les interprètes, et plus particulièrement, bien sûr, qui ont rempli la salle : beaucoup ne sont pas allés au « concert Webern » mais plutôt au « concert Boulez ». C'est pourquoi le début de la soirée en a surpris plus d'un : sur scène, le quatuor à cordes et le pianiste de l', seuls. Sans chef, bien sûr, puisqu'ils se lancent dans une pièce de musique de chambre, le Quintette pour cordes et piano. Cette œuvre de jeunesse de Webern, très post-romantique, est servie avec beaucoup de finesse par les musiciens. On y retrouve toute la ferveur de l'écriture du XIXème siècle, cet univers si sombre et riche qui caractérisait la texture musicale de ses prédécesseurs, mais le jeune Webern semble déjà fasciné par les jeux sur les timbres, les associations de timbres, les très légères touches d'ombre et de lumière noyées dans un flot sonore : plutôt que de céder à la facilité d'un jeu trop sentimental, les interprètes de l' font ressortir toute la finesse et la subtilité de ce quintette.

Après cette pièce, deux personnes les rejoignent sur scène : la soprano Christiane Œlze et surtout le Maître, . Un frémissement dans la salle et une ovation accompagnent cette entrée tant attendue. Suivront Trois Textes populaires opus 17, Cinq canons sur des textes latins opus 16 et le Concerto opus 24 (avec tous les instrumentistes de l'Ensemble Intercontemporain). Nous entrons-là dans la « vraie » écriture webernienne : des pièces courtes, sérielles, caractérisées par de grands intervalles disjoints et surtout une recherche impressionnante sur les timbres. Chaque instrument ne joue que peu de notes, donnant ainsi l'impression que, bien plus que la hauteur des sons, ce sont le timbre, la dynamique et la durée qui importent. Cette écriture par petites touches de sons entraîne l'auditeur dans un univers sonore très particulier, où des fragments de mélodies et des sons apparemment isolés circulent d'un instrument à un autre, où l'on perd tout repère spatio-temporel. Ces pièces très courtes sont des sortes de « nouvelles musicales » : leur brièveté donne à chaque son une très grande importance et à chaque pièce un plus grand intérêt musical.

La soprano Christiane Œlze sert avec une grande justesse cette esthétique : son timbre de voix pur, son interprétation très sobre, la façon dont elle insère son chant dans le flot sonore des instruments renforcent l'émotion qui se dégage des pages vocales de Webern. On ne peut malheureusement pas en dire autant de Valdine Anderson (Soprano), qui interprète les Six Lieder opus 14 puis une partie des pièces vocales de la deuxième partie du concert. En effet, cette dernière donne l'impression de vouloir à tout prix mettre en valeur la partie vocale par un timbre très « forcé » et une expression (vocale mais également visuelle) exagérée. Le résultat devient vite agaçant, et surtout en décalage avec partie instrumentale, si épurée, qui semble parfois être une mise en valeur du silence. Autant les pièces interprétées par Christiane Œlze fascinent par leur finesse et leur intensité dramatique, autant celles que chante Valdine Anderson semblent surchargées, et, du coup, rendent insupportables les silences et dissonances.

En deuxième partie, la Symphonie opus 21, le Quatuor opus 22 (très intéressant), quatre cycles de lieder et enfin les fameuses Cinq pièces pour orchestre opus 10. Le tout dirigé de main de maître par Pierre Boulez. Malgré son âge (bientôt quatre-vingts ans!), ce dernier fait preuve d'un dynamisme et d'une précision impressionnants. Les gestes sont petits mais fermes, il transmet à ses musiciens une force et une énergie qui pourraient faire pâlir plus d'un chef jeune et fringant. Il semble se déplacer à l'intérieur de sa bulle de musique : en entrant sur scène, il salue de la façon la plus brève possible et se tourne très rapidement face à ses musiciens, à la fin de chaque morceau, il semble se tourner vers le public presque à regret, par politesse. Il fut bien sûr ovationné par une salle enthousiaste à la fin du concert. En bis, le public grenoblois (paraît-il, plus chaleureux que le public lyonnais pour le même concert) a eu la joie de réentendre l'opus 10, annoncé en ces termes par Boulez : « Nous allons vous jouer l'opus 10. C'est bien, ce n'est pas trop long. ». Etait-ce si nécessaire de commenter?

Crédit photographique : © DR

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