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Triomphe pour Verdi et ses brigands avec Jonas Kaufmann

C'est autour de l'éminent poète allemand Friedrich Schiller, mort en 1805, que tourne cette année la programmation des « Herbstliche Musiktage Bad Urach », du Festival d'automne de Bad Urach, non loin de Stuttgart, rendez-vous culturel fondé jadis par Hermann Prey.

Outre un grand nombre de concerts, de récitals et d'exposés traduisant la fascination d'innombrables musiciens pour l'œuvre de Schiller, l'édition 2005 nous offre la rare possibilité d'assister à une représentation, ne serait-ce qu'en concert, des Masnadieri de , opéra basé sur le drame Die Räuber (les Brigands) du même Friedrich Schiller. Tout en respectant les structures conventionnelles de l'époque, Verdi parvient à y trouver des voies nouvelles, notamment dans l'accompagnement orchestral des airs. Cependant, malgré ses atouts musicaux et dramatiques, malgré des rôles gratifiants musicalement et scéniquement, cette composition du jeune Verdi n'a su gagner les grands théâtres du monde lyrique. Pourquoi ? Est la question qui semble s'imposer à la fin d'un concert qui aurait mérité un cadre plus spectaculaire que la « Filharmonie » de Filderstadt, petite ville située entre Bad Urach et Stuttgart, et surtout un public plus nombreux. Ceux qui se sont déplacés, pourtant, se sont montrés enthousiastes : applaudissements nourris dès la première scène, ovations à la fin.

La vedette de la soirée est sans aucuns doutes . Le jeune ténor au répertoire aussi vaste que varié possède exactement la voix requise pour les opéras du jeune Verdi : un timbre juvénile, homogène sur toute l'étendue, une grande souplesse dans tous les registres, rendant justice à l'héritage belcantiste de cette musique, la capacité de trouver mille nuances et couleurs, enfin la vaillance indispensable pour les cabalettes et les grands finales culminant dans des aigus impressionnants (jusqu'au contre-ut). Grâce, entre autres, à une prononciation parfaite du texte italien, Kaufmann parvient également à conférer une grande crédibilité au personnage déchiré entre l'amour et la vengeance, cherchant le bonheur sans le trouver. Amalia est la soprano allemande Elisabeth M. Wachutka, interprète expérimentée, notamment de rôles wagnériens et straussiens. La voix rappelle un peu la jeune Mara Zampieri, y compris des notes assez droites dans le haut-médium et certains problèmes dans le registre grave. A part cela, sa prestation force le respect. Sans aucune difficulté, elle plie sa voix au legato verdien, surprend avec des vocalises précises et ose même des suraigus. Le rôle du méchant Francesco a été confié au baryton ukrainien Andriy Maslakov. Si son italien trahit ses origines, Maslakov connaît les règles du phrasé verdien. La technique est sure, l'aigu un peu étroit, mais facile. Côté interprétation il n'atteint pourtant pas le niveau de ses collègues. C'est que le timbre, par ailleurs tout à fait agréable, manque encore des couleurs nécessaires pour caractériser ce personnage cruel et perfide. Massimiliano enfin, est interprété par . Il impressionne avec sa voix puissante et ses graves résonnants en faisant ainsi quasiment oublier certains défauts de justesse et un aigu plutôt poussif.

Le grand succès de la soirée est également dû à la prestation sans faille des Stuttgarter Choristen et de la Württembergische Philharmonie Reuttlingen. Roberto Paternostro au pupitre se montre tout à fait à l'aise avec cette musique : il respire avec les chanteurs, il sait créer des moments de grande tension dans les finales et il a le sens du rythme indispensable aux opéras du jeune Verdi. Espérons donc retrouver plus souvent cette œuvre, mais aussi retrouver dans ce répertoire qui lui convient autant.

Crédit photographique : © DR

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