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Crépuscule viennois dans le vaisseau rose

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Toulouse. Auditorium de l’église Saint-Pierre des cuisines. 13-III-2006. Johannes Brahms (1833-1897) : Quintette à cordes op. 111 ; Arnold Schœnberg (1874-1951) : La Nuit transfigurée, version pour sextuor à cordes (1899). Solistes de l’orchestre national du Capitole de Toulouse : Laurent Pellerin et Sébastien Plancade, violons ; Claire Pélissier et Juliette Gil, altos ; Sarah Iancu et Vincent Pouchet, violoncelles.

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Saison Les Clefs de Saint-Pierre 2005/2006

Dans le magnifique écrin de briques rose pâle dont la ville de Toulouse a opéré la résurrection en 1998 et qui est désormais l'auditorium du CNR, les solistes de l'orchestre national du Capitole donnaient un programme concis et ciblé avec un excellent couplage de deux chefs-d'œuvre de la Vienne fin de siècle, sous la houlette de la dynamique association de concerts Les Clefs de Saint-Pierre. Tout en pente abrupte à 45 degrés, la tribune dévolue au public offre une visibilité parfaite et une audibilité honorable jusqu'au haut des gradins – où devait se réfugier le public standard écarté d'un contingent impressionnant de places réservées – et permet d'admirer l'espace très inspirant de cette nef aux potentialités scéniques indiscutables avec ses absides et ses dégagements qui font rêver à l'opéra. Tribune étonnamment pleine au demeurant pour un jour de relâche.

Le Quintette à deux altos en la de (1890) offre une vision presque méditerranéenne du romantisme très architecturé du compositeur, comparable à une embellie de fin d'après-midi un dimanche d'août en Ombrie, où Brahms aimait tant se reposer de ses austères séjours à Hambourg. Ce grand classique mille fois revisité – et par les plus grands – ne laissait pas espérer de révélation fracassante, et on n'en voudra pas aux valeureux solistes du Capitole d'avoir honnêtement défendu un tube absolu du dernier romantisme. La lettre était là, mais peut-être pas tout à fait l'esprit, en effet. Deux écueils guettent on le sait les musiciens qui s'attaquent à cette montagne : la tentation du monumental germanique, et celle de la légèreté du salon français. C'est sur cette deuxième pente que nos musiciens de ce soir ont glissé, une pente moins risquée, alors qu'étaient perceptibles quelques petits problèmes de mise en place et de justesse, notamment au niveau des premiers altos et violons. Bref une ambiance qui évoquait plus le Mendelssohn du Quintette op. 13 que la fougue nerveuse et active du dernier Brahms, malgré une belle cohérence sonore. Un manque d'engagement peut-être, comme les formations constituées de longue date ont appris à le faire croître et embellir au cours d'une longue fréquentation réciproque.

Après un entracte un peu long à notre goût (et qui distancie malencontreusement deux œuvres dont l'enchaînement était éclairant) Laurent Pellerin, premier violon, s'est fendu d'un petit exposé des motifs de La Nuit transfigurée – notamment du rôle essentiel de basse obligée au deuxième violoncelle, et qui rattache un Schœnberg de 25 ans à la tradition de Brahms et de Bach, sans doute à l'intention d'un public partiellement constitué d'élèves du conservatoire et d'étudiants. Un peu court tout de même, sans espérer les démonstrations simples et explicites de . Claude Dubois nous a lu le poème de qui inspira le compositeur, et justifie le changement brusque de tonalité qui intervient à l'orée du troisième mouvement d'une partition qui reprend la structure en cinq strophes du texte, sans en proposer toutefois une illustration littérale. Le poème évoque en effet la marche d'un couple dans la nuit, pendant laquelle une jeune femme confesse à son fiancé qu'elle attend l'enfant d'un autre. Ici l'ultra-romantisme néo-wagnérien de Schœnberg inspira davantage de cohérence à nos solistes, et les staccatos fébriles de la partition ne manquaient ni de nuances, ni de force. Un post-romantisme qui devait se résoudre quelques années plus tard seulement (avec le Quatuor n° 2 op. 10 de 1908) dans la nouvelle aventure de l'atonalité, à travers des séries déchirant et sublimant l'expressivité chromatique agonisante, dans une irrésolution ouvrant la voie à la musique du XXe siècle. On aurait espéré une dernière œuvre d'un Zemlinsky ou d'un Bartók, ce qui aurait équilibré et renforcé le propos de ce programme un peu court.

Crédit photographique : © DR

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Toulouse. Auditorium de l’église Saint-Pierre des cuisines. 13-III-2006. Johannes Brahms (1833-1897) : Quintette à cordes op. 111 ; Arnold Schœnberg (1874-1951) : La Nuit transfigurée, version pour sextuor à cordes (1899). Solistes de l’orchestre national du Capitole de Toulouse : Laurent Pellerin et Sébastien Plancade, violons ; Claire Pélissier et Juliette Gil, altos ; Sarah Iancu et Vincent Pouchet, violoncelles.

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