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Le Nozze di Figaro, pour le théâtre… et pour les voix !

Ce qui frappe à rebours, en fin de parcours, au terme de cette folle (et bien agréable) journée de liesses pseudo-galantes, c'est d'abord, disons-le tout net, cet énorme travail d'équipe mis en situation par tous ces personnages violemment impliqués, solidaires et complices, qui jouent la comédie à ravir, comme s'ils découvraient avec nous, public, bienveillant, bon enfant (nous nous laissons aller à jouer le jeu), une intrigue.

Nouvelle, lentement déroulée, soudainement dévoilée, superbement bouclée! Les répliques, à l'emporte-pièce, sonnent. Justes, animées, feuilletonesques. Les plaisanteries, que l'on croyait éculées, reprennent force et vigueur, fraîcheur. Bref, notre plateau, homogène, farouchement convaincant (parce que convaincu) a ce soir l'énorme mérite d'aller droit au but, sans détours. C'est déjà beaucoup… et c'est très bien ainsi. Du théâtre donc, comme il se doit, du très bon théâtre. Dans ces décors et costumes, simples, proprets, joliment faits, la mise en scène de grouille, regorge de mille trouvailles visuelles. Un régal.

Traversée d'émois vrais, de frémissements qui feront d'emblée naître une émotion, la Susanna de (qui tout comme notre Almaviva chante à San Francisco pour la première fois), d'une sûreté, d'une propreté vocales que l'on rencontre de moins en moins de nos jours, jubilatoire et talentueuse («Aprite, presto, aprite»), ne laisse pas indifférent, c'est le moins que l'on puisse écrire.

, dont nous suivons avidement les pas depuis un certain Così en 1983 ici même, atteint alors le sans-faute. Une voix souple, admirablement timbrée, un aigu lumineux, un poids vocal nouvellement trouvé, une retenue, une élégance réfléchies… et nous voilà conquis. Son «Dove sono ?» traduit à point le regard hypnotisé d'une femme en totale déroute sentimentale. Si peu meurtrie, il lui manque peut-être cette mélancolie, cette nostalgie, ce désarroi de mille Comtesses passées, et qui ne viennent qu'avec le temps. Le chant sobre et contrôlé de (Cherubino) qu'on avait beaucoup apprécié dans un autre Così… 2004, un jeu bien mené, efficace, font mouche.

Autres divins bonheurs… chez les hommes cette fois : Spontané, fougueux, vocalement sûr, lyrique, élégant, le Figaro de , qui ne manque ni de tendresse ni de charme, privilégie l'amour, la fleurette, en oublie l'insolence. Engagé, si peu sincère, franc salaud, souvent féroce, l'Almaviva de joue son va-tout. La voix modèle à merveille cet engagement, cette malveillance, cette férocité du personnage…. Pour exemples, les excellents «Crudel, perchè finora» et «Vedro, mentr'io sospiro» du IIIe acte.

et (dont la «vendetta» demeure malgré tout bien maigrelette) dament solidement le pion à Barbarina, Don Curzio et autres troisièmes couteaux. On reste confondu, désarçonné, par la direction lourde et brouillonne de (elle compromit certains ensembles de l'acte II), qui rend l'orchestre gros, boursouflé et si peu idiomatique.

Crédit photographique : © Terrence McCarthy

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