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Dusapin et Messiaen, trilles du XXe siècle

Dès les premières notes, la signature est inimitable. Loin des commentaires acerbes (le plus souvent d'ignorants) sur la musique contemporaine qui serait, parait-il, inaudible, l'esthétique de semble être l'évidence même tant elle est originale et singulière.

Le Trio Rombach s'ouvre sur ces notes répétées à l'envi, unissons perturbés par de discrets chromatismes qui viennent infléchir une courbe mélodique statique, trilles furieux « salis » par des variations microtonales aux cordes. A l'instar du concerto pour piano A Quia, exploite dans le Trio Rombach une idée musicale, rythmique, harmonique ou mélodique jusqu'à plus soif. Celle-ci s'éteint progressivement, comme si les instrumentistes n'avaient plus rien à dire, avant de rebondir sur autre chose. La discographie de ce compositeur est pourtant bien fournie, et on ne peut que s'étonner que cette œuvre n'ait jamais été enregistrée. La faute est résolue par l'excellent Trio Elégiaque, formé de trois jeunes instrumentistes talentueux qui ont impressionné le compositeur lui-même : « j'ai écouté cette musique comme si elle n'était pas la mienne, ce qui est un tour de force ».

Le Quatuor pour la fin du temps d' vient ici comme le « père spirituel » du Trio Rombach. Mêmes trilles furieux parcourant les octaves, utilisation similaire de la modalité, harmonies chargées de « notes étrangères », idées musicales exploitées jusqu'à épuisement, … seuls manquent les quarts de tons pour l'un et les rythmes non-rétrogradables pour l'autre.

Dès la Liturgie de cristal on sent l'importance primordiale donnée à la couleur instrumentale par le Trio Elégiaque auquel s'adjoint le clarinettiste Jean-Philippe Vivier. L'instrument à vent est soliste de ce premier mouvement, sous les doux accords du piano, les « chants d'oiseaux » du violon et les harmoniques du violoncelle. La violence perceptible dans les mouvements suivants n'est jamais brutale, un soin méticuleux est donné à la ligne mélodique, les carrures rythmiques sont toujours clairement dessinées. Le choix de tempi plutôt lents permet de déployer une palette de timbres comme on ne l'avait jamais entendue dans cette œuvre, pourtant excellemment bien servie au disque. Après la version « historique » Fernandez/Neilz/Deplus/Petit (1 CD Erato « le Voyage musical », couplé avec les Cinq Rechants) et les plus que recommandables Le Dizes/Strauch/Damiens/Aimard (1 CD Accord) et ensemble Walter Boykens (1 CD Harmonia Mundi « Musique d'abord ») ce nouvel enregistrement vient au XXIe siècle couronner le chef d'œuvre du XXe siècle.

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