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De la gravité des Caprices

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Saint Céré, Théâtre de l’Usine. 7-VIII-2007 Henri Sauguet (1901- 1989) : Les Caprices de Marianne, opéra comique en deux actes, livret de Jean-Pierre Grédy d’après la pièce d’Alfred de Musset. Mise en scène d’Eric Perez ; scénographie, décors, Emmanuelle Bischoff, Claude Stéphan ; Costumes et lumières, Jean-Michel Angays, Stéphane Laverne. Avec Chantal Perraud, Marianne ; Jean-Michel Ankaoua, Octave ; Hermine Hugunel, Hermia ; Stéphane Malbec-Garcia, Cœllo ; Jean-Claude Sarragosse, Claudio ; Eric Vignau, l’aubergiste ; Eric Demarteau, La Duegne ; Christophe Hudeley, Tibia. Orchestre du Festival de Saint Céré ; Joël Suhubiette, direction.

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Coproduit par Duo-Dijon (cf. chronique du 28/01/2007) dont avait, jusqu'en Juin 2007, la direction générale, l'opéra-comique d', Les Caprices de Marianne, faisait l'événement de cette vingt septième édition du Festival de Saint Céré.

C'était, pour le public, l'occasion de renouer avec la musique du compositeur « des Forains », le ballet qui a contribué, en son temps, à la célébrité d'. Le Festival de Saint Céré lui rend un hommage appuyé en programmant une deuxième soirée Sauguet (le 9 Août au Château de Montal), consacrée à ses chansons et mélodies inédites.

Crée en 1954 au Festival d'Aix en Provence, Les Caprices de Marianne sont une commande faite à Sauguet par Gabriel Dusserget. Hormis sa reprise au Grand Théâtre de Compiègne en ouverture de la saison 2006, le public n'a guère eu l'occasion de découvrir cet ouvrage d'envergure (plus de deux heures de musique) dont on ne connaît que l'unique enregistrement de 1959 dirigé par Manuel Rosenthal. Cette seconde représentation dans le Théâtre de l'Usine – il y en aura quatre en tout – accueillait deux invités d'honneur en la personne de Raphaël Cluzel, le fils adoptif d' et celle du créateur du rôle de Cœlio, Michel Sénéchal que l'on entendait encore récemment sur la scène de Bastille.

« Ce qui semble caprice aux yeux des gens sans âme, m'a toujours semblé la raison du cœur » dira Balzac dans ses correspondances. Il y a dans les Caprices de Marianne la légèreté d'un marivaudage mais plus encore l'expression romantique du désenchantement de la jeunesse. Marianne, jeune épouse dévote de 19 ans, « qui ne sait ni aimer ni haïr », a un soupirant Cœlio qui se consume d'amour pour elle mais qu'elle repousse. Accusée à tort d'adultère par son mari jaloux, elle se venge en s'offrant à Octave, le libertin et lui donne un rendez-vous ; mais Octave n'entend pas se substituer à son meilleur ami Cœlio qu'il envoie, à sa place, rejoindre Marianne. C'est lui qui tombera sous les coups du mari jaloux secondé par le diabolique Tibia. Cœlio meurt, Octave avoue à Marianne qu'il ne l'aime pas et renonce aux plaisirs de la vie, Marianne a le cœur brisé par son premier amour : Un opéra comique qui se finit mal (on en connaît d'autre !) mais rappelons que Musset donne à son ouvrage le titre de comédie.

En inversant la perspective, puisque l'orchestre est ici placé derrière la scène, Eric Pérez exploite au mieux la configuration spatiale du théâtre et conçoit une mise en scène tout en blanc sur différents niveaux. Au bas de la scène, l'auberge où s'enivre Octave est signalée par une table et des verres de cristal que l'aubergiste – – vient périodiquement remplir en dosant la couleur de chaque cocktail. Au sommet de l'édifice, un immense lustre à pampilles offre une source de lumière éblouissante, toute blanche et pure – le berceau des illusions – dans laquelle apparaît l'héroïne au début du premier acte et où elle se prend ensuite à espérer l'amour.

Désavouant la réputation d'un compositeur d'inspiration spontanée, l'écriture est plus qu'exigeante et met à rude épreuve le chef et ses musiciens. Henri Sauguet sait tirer tout le parti d'un ensemble de 25 instrumentistes bien souvent solistes. Avec une orchestration claire et colorée, à la française, qui fait varier très abruptement les atmosphères, Sauguet réussit à imposer un rythme dramaturgique qui ne faiblira pas durant tout le premier acte. Saluons la performance de que l'on connaît davantage à la tête de son chœur « les Eléments » et qui mène vaillamment l'ensemble du plateau même si on eût souhaité parfois une conduite plus incisive.

Le style vocal qu'adopte le plus souvent le compositeur est celui de la conversation en musique empruntant ça et là aux modèles ravéliens et debussystes. Mais le rôle de Marianne, écrit à l'origine pour la soprano colorature Lily Ponsville que Sauguet avait connu à Aix, fait valoir de manière plus brillante et plus risquée aussi les capacités virtuoses de la chanteuse sans renoncer aux exigences du texte de Musset. Si possède ce registre colorature, sa voix manque de projection et de véritable articulation face à son partenaire Jean-Michel Ankaoua – Octave le facétieux – physiquement et vocalement très à l'aise lorsqu'il nous vante les délices de l'amour et son bonheur d'être fou. Débarrassée de sa Duègne (Eric Demarteau en travesti bouffe), elle sera beaucoup plus convaincante dans la scène de séduction du deuxième acte où sa voix peut s'épanouir plus naturellement. Présent sur toutes les productions, Jean-Claude Saragosse – le mari jaloux – suivi de son diable de valet, Christophe Hudeley, évoque parfois Golaud dans ses élans meurtriers ; on en oublierait presque l'amoureux transi, le ténor Stéphane Malbec-Garcia, qui sait pourtant s'imposer, notamment dans le deuxième acte réservant des instants de pure émotion.

Voilà une production qui réjouira les passionnés d'art lyrique. Elle confirme l'audace et la qualité de programmation d'un festival qui a su fidéliser un public enthousiaste et nombreux, prêt à venir découvrir des raretés autant qu'à apprécier les chefs d'œuvre du répertoire. Qu' en soit remercié !

Crédit photographique : © Saint Céré, DR

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