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Katia et Marielle Labèque : un quatre-mains lunaire et enflammé

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Théâtre des Champs-Élysées. 09-XII-2007. Claude Debussy (1862-1918) : En Blanc et Noir. Franz Schubert (1797-1828) : Fantaisie en fa mineur op. 103 D. 940. Erik Satie : Trois morceaux en forme de poire. Maurice Ravel : Rhapsodie espagnole. Katia et Marielle Labèque, piano.

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Les grossiers personnages vont peut-être croire que l’indépendance est une question territoriale, mais ce n’est pas forcément parce qu’elles sont nées à Bayonne que Katia et Marielle sont aussi indépendantes de caractère. Pour mieux affirmer la consistance du répertoire du piano à quatre mains, elles ont créé la Fondation KML et leur propre label de musique (KML Recordings). Musicalement parlant, l’une est le feu, l’autre est l’eau, nous ne cessons d’être fascinés par cette complémentarité dont émerge une singularité unique et unique. La première œuvre qu’elles ont choisie avait un titre de ce point de vue très emblématique : En Blanc et Noir (de Debussy) donnait l’occasion aux sœurs pianistes, à force de touchers feutrés, d’articulations tout de même typées et de rythmes sciemment connotés, de tisser des densités sonores mouvantes et abstraites. Au lieu de s’arrêter aux phrases, l’auditeur n’avait plus à craindre de s’enfouir en émotions dûment méconnues.

Comme dit Guattari à propos de Schubert, « on constate une autonomie de la ligne mélodique qui menace sans cesse les équilibres harmoniques qui la supportent… ». Si bien que le pouvoir des interprètes est décisif et que, dans la Fantaisie en fa mineur opus 103 D. 940 (qu’elles viennent d’enregistrer chez KML), les sœurs Labèque pouvaient exalter une sorte d’homogénéité « surintime », en contraste avec la polyphonie redoublée. Le fait du quatre-mains venait enrichir un dramatisme correctement non-exagéré tant, le duo redoublant d’une solitude universelle (transcendantale ?), n’était plus adressé, mais bien assez réflexif pour ne plus échouer sur des fractures d’égo (ou des histoires avec la dédicataire).

Après l’entracte, dans les Trois Morceaux en forme de poire de Satie, les deux pianistes mettaient un point d’honneur à bien marquer le caractère de chaque page. En portant les nuances, en fixant des stylisations parfois plus soigneuses que significatives, elles trouvaient dans la partition de Satie un assortiment de veloutés aux reliefs assez tranchés quoique pondérément accentués. À force d’entre-deux et d’unité dans les façons intermédiaires, l’invraisemblance était finalement très appropriée. Aussi, pour la Rhapsodie espagnole de Ravel, l’ambiance était à la subtilité, comme pour mieux faire ressortir les effets de style ponctuellement intentés par Katia, tel un jeu de surimpression sur un climat bien finement tissé. Mais c’est dans les trois généreux rappels que, pour ceux qui n’auraient pas compris, de Brahms à Gershwin, le côté feu de l’aînée a pris toute sa mesure spectaculaire au point d’exaspérer à certains moments mon voisin de droite, ce qui ne saurait être qu’une des meilleures preuves de vitalité. Car il faut le bouillonnement intégral et fulgurant pour donner à un répertoire aussi étendu une unité de style tellement rouge.

Crédit photographique : © Brigitte Lacombe

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Théâtre des Champs-Élysées. 09-XII-2007. Claude Debussy (1862-1918) : En Blanc et Noir. Franz Schubert (1797-1828) : Fantaisie en fa mineur op. 103 D. 940. Erik Satie : Trois morceaux en forme de poire. Maurice Ravel : Rhapsodie espagnole. Katia et Marielle Labèque, piano.

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