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Wilhelm Furtwängler : Bruckner des plus rares

Ce disque est à la fois très homogène… et particulièrement frustrant ! Et cela pour la même raison : il se compose de deux interprétations brucknériennes incomplètes de (1886-1954), mais ces témoignages constituent de purs trésors à ne surtout pas sous-estimer. Il est d'ailleurs étonnant que les firmes discographiques ne se soient pas intéressées de son vivant à interprète des Symphonies d' : Telefunken, qui n'était pas le label coutumier de Furtwängler, fut le seul à fixer sur six faces 78 tours cet unique Adagio de la Symphonie n°7, capté en studio le 7 avril 1942.

Évidemment Telefunken avait déjà à son catalogue les Symphonies nos 4, 5 et 7, enregistrées intégralement par Eugen Jochum fin des années 30, et ne voulait probablement pas risquer le moindre doublon, d'autant que son concurrent direct Electrola – la filiale allemande de La Voix de son Maître – avait confié à Karl Böhm une semblable démarche pionnière pour les Symphonies nos 4 et 5, également dans les années 30.

D'autre part il semblerait que Furtwängler, pour sa part, n'ait pas vraiment considéré la technique phonographique des 78 tours de l'époque apte à rendre pleine justice à la grandeur et la splendeur sonore des œuvres brucknériennes. Mais son opinion changea du tout au tout du moment où la bande magnétique, moins contraignante, fut le support sonore perfectionné des studios allemands de radiodiffusion pour lesquels Friedrich Schnapp (1900-1983) devint l'ingénieur du son attitré et l'ami de Furtwängler : les témoignages brucknériens de l'illustre chef se multiplièrent alors et furent ainsi préservés pour la plupart, dont cette version, précieuse car unique, de la Symphonie n°6 en la majeur.

Malencontreusement encadrée par les chefs-d'œuvre de maturité orchestrale de Bruckner, la Symphonie n°6, de format plus modeste, peut en paraître le parent pauvre ; or une écoute approfondie en révèle toutes les beautés, notamment celles d'un Adagio sublime et d'un Scherzo lumineusement enthousiasmant. Hélas il ne nous reste de cette œuvre interprétée par Furtwängler, que cette seule version de novembre 1943, malheureusement amputée de son premier mouvement, vision unique dans tous les sens du terme, car même en l'absence du Maestoso initial, jamais elle n'a été approchée par les interprétations au disque qui l'ont suivie. Ce qui est frappant – et d'ailleurs habituel – chez le Bruckner de Furtwängler, c'est l'équilibre obtenu entre l'expression de la spiritualité de l'œuvre, et sa dynamique, cette dernière caractéristique souvent mise en évidence par des chefs de l'ancienne génération comme Karl Böhm, Eugen Jochum, Joseph Keilberth, Wolfgang Sawallisch ou Gunther Wand, alors qu'elle est la plupart du temps ignorée par les interprètes actuels pour un statisme figeant dangereusement le discours musical. Par conséquent on ne sera pas étonné de constater, une fois de plus, que Furtwängler peut être plus vif et rapide que bien d'autres lorsque nécessaire.

Ce CD, parfaitement réussi au point de vue de la qualité sonore des transferts, est donc le complément idéal aux disques consacrés à Bruckner par la Société Wilhelm Furtwängler.

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