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Jacques Lacombe, chef d’orchestre

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Originaire de Trois-Rivières, a occupé au cours de sa carrière les postes de chef assistant de à l'Orchestre symphonique de Montréal de 1994 à 1998, de directeur musical et artistique de la Philharmonie de Lorraine à Metz en France de 1998 à 2001, de premier chef invité de l'Orchestre symphonique de Montréal de 2002 à 2006, il fut également chef d'orchestre attitré et directeur musical des Grands Ballets Canadiens de 1990 à 2004.

« Le problème pour un jeune chef, c'est d'être engagé. Pas d'expérience, on ne t'engage pas et on ne t'engage pas parce que tu n'as pas d'expérience. C'est le chat qui court après sa queue. »

se produit sur les plus grandes scènes du monde. Dans le domaine lyrique, il a fait ses débuts dans Werther au Metropolitan Opera de New York en 2004. Parmi ses nombreux engagements, il dirige à Turin (Cavalleria rusticana et Œdipus Rex), à Liège (les Huguenots), à Avignon (la Forza del Destino), à l Philadelphie, à Vancouver, et à Minneapolis. Il fut invité à de nombreuses reprises aux Opéras de Montréal et Québec (Le barbier de Séville et Erwartung/Le château de Barbe-bleue).

ResMusica : Vous dirigez souvent sans partition. En cela, vous ressemblez aux solistes qui se présentent sur scène en ayant en mémoire les moindres inflexions que comporte une œuvre. Cela est-il nécessaire pour mieux vous concentrer sur l'interprétation de l'œuvre ?

 : Pour moi ce n'est pas un but mais plutôt un moyen, une liberté et une discipline. Une liberté quand je dirige et une discipline que je me donne. C'est diriger avec le regard. Mais un autre avantage d'apprendre une partition et de la garder en mémoire, c'est d'avoir une perception globale de l'œuvre.

RM : Quel a été votre modèle ou vos modèles en direction d'orchestre ?

JL : J'ai eu deux ou trois modèles : Herbert Von Karajan, Leonard Bernstein et Carlos Kleiber.

RM : Un retour vers l'enfance. Vous n'êtes pas issu d'une famille de musiciens. Votre père était cordonnier. La musique était-elle présente dans votre famille ? Quel a été votre parcours ? Quel a été l'élément déclencheur qui vous a conduit à poursuivre vos études au Conservatoire, à devenir musicien et chef d'orchestre ?

JL : Il y avait de la musique à la maison mais c'était très varié. Je suis l'aîné de trois enfants. Nous avons été dans une école privée tous les trois. Pour mes parents, cela était une valeur. Paradoxalement, mes sœurs ont appris la musique avant moi. Je suivais le cours normal de musique. Mais je me souviens qu'un été mes parents avaient loué une maison que nous avons habitée pendant quelques années et dans laquelle il y avait un vieux piano. J'ai passé tout l'été à pianoter. Ensuite, j'ai pris plus sérieusement des cours de musique, je suis rentré dans la chorale au Cap-de-la-Madeleine. En quelque sorte, je suis passé du sport à la musique. À Notre-Dame-du-Cap, il y avait un orgue Casavant. J'ai connu l'organiste et j'ai suivi mes premiers cours d'orgue vers 14 ou 15 ans. Ensuite tout a été très vite. À 18 ans j'ai eu mon premier prix au Conservatoire. J'ai étudié l'orgue avec Raymond Daveluy. Ensuite, c'est lui qui m'a suggéré de terminer mon cours à Montréal. Il voyait en moi des qualités de chef d'orchestre. À l'époque, le Conservatoire était la seule institution au Canada qui offrait un cursus complet en direction d'orchestre.

RM : Nous avons assisté tout dernièrement au Château de Barbe-Bleue et à Erwartung à l'Opéra de Québec. Il y a une symbiose entre le chef et l'orchestre et une complicité avec les artistes sur scène. Le résultat est étonnant. Comment s'opère ce miracle ? 

JL : C'était un défi. Je connais bien l'Orchestre symphonique de Québec même si je n'avais jamais dirigé un opéra avec cette formation. J'ai travaillé avec l'OSQ lors de nombreux concerts et de ballets mais c'était la première fois que j'étais dans la fosse d'orchestre pour diriger un opéra. Je crois qu'il y a une confiance et un respect mutuel. C'est un type de répertoire que je connais bien. J'ai déjà fait Lulu de Berg. La magie opère grâce à l'orchestre, aux solistes et aussi par la mise en scène de Robert Lepage.

RM : Vous avez souvent travaillé avec Lyne Fortin. [ndlr : soprano dans Erwartung]

JL : Lyne a travaillé pendant des mois, elle a su trouver les couleurs adéquates. Les quatre spectacles ont été d'une belle constance. Parfois la tension tombe à la deuxième, pas cette fois-ci. Mais il y a un soir – non ce n'est pas la première – où tout m'a semblé parfait. Je ne sais pas si on a enregistré cette soirée. J'ai souvent travaillé avec Lyne Fortin à l'Opéra de Montréal. J'ai fait aussi avec elle au Festival de Lanaudière dans Deux Portraits de Manon. Diana Soviero faisait la Manon de Puccini et Lyne Fortin, la Manon de Massenet.

RM : Vous faites partie d'une génération de jeunes chefs d'orchestre québécois qui font carrière aussi bien en Amérique qu'en Europe. On pense à Yannick Nézet-Séguin, Bernard Labadie, Jean-Marie Zeitouni et vous bien sur. Comment expliquer cette génération spontanée ? Contrairement aux chanteurs qui doivent s'exiler pour gagner leur vie, l'ombre de Wilfrid Pelletier semble bénéfique.

JL : Je ne sais pas si c'est l'ombre de Wilfrid Pelletier. Pour les chefs d'orchestre, c'est le contraire de l'adage qui dit que nul n'est prophète en son pays. Je ne peux pas l'expliquer par une classe unique de direction d'orchestre parce que nous avons suivi des cheminements différents. Il n'y a pas eu de moule commun. Pour Bernard, il a fondé «Les Violons du Roy», son ensemble qui lui a permis de se faire connaître et d'acquérir la réputation qu'il a aujourd'hui. Dans le cas de Yannick comme du mien, je crois que tous les deux nous avons eu la chance en début de carrière de connaître des gens qui nous ont fait confiance. Dans mon cas, j'ai été assistant de à l'OSM. Évidemment, le problème pour un jeune chef, c'est d'être engagé. Pas d'expérience, on ne t'engage pas et on ne t'engage pas parce que tu n'as pas d'expérience. C'est le chat qui court après sa queue.

RM : Vous êtes perçu, peut-être à tort, davantage comme un chef d'orchestre lyrique que symphonique. Dans une interview, il y a déjà plusieurs années, avouait que parfois cela le décourageait de passer un temps fou avec des chanteurs. Quels sont les défis qui attendent le chef d'orchestre qui en plus de l'orchestre doit composer avec les chanteurs, les chœurs, le metteur en scène ? 

JL : C'est important de toucher aux deux domaines, en parallèle. Je ne veux pas être cantonné seulement dans le répertoire opératique ou seulement symphonique. Pour une symphonie par exemple, tout se concentre sur l'orchestre, sur les plus petits détails, c'est un travail en profondeur Je remarque que certains chefs qui ne font que de l'opéra, ont tendance parfois à seulement accompagner les chanteurs. Dans le domaine de l'opéra, il y a plusieurs aspects qui rentrent en ligne de compte en plus de l'orchestre. C'est un échange constant avec les différents intervenants. Il faut être à l'écoute du chanteur mais aussi pouvoir jauger plusieurs paramètres. J'aime le contact avec les gens. De plus, j'aime le théâtre. Parmi mes collaborations marquantes avec des metteurs en scène, je retiens celle avec Bernard Broca malheureusement décédé. Je me souviens d'une production de Werther où durant les répétitions de mise en scène (avec piano) Bernard Broca s'adressait aux chanteurs plutôt en termes musicaux alors que je parlais aux chanteurs plutôt de l'aspect dramatique et théâtral des personnages.
C'était les rôles inversés. J'ai travaillé à quelques reprises avec Robert Fortune, entre autres à Colombe de Jean-Michel Damase. C'est la même chose qui se passe avec lui. Dans les pays germaniques par exemple, une façon de former un jeune chef, c'est de l'envoyer pendant quelques saisons diriger à l'Opéra.

RM : Vous êtes né à Trois-Rivières et vous êtes le directeur de l'Orchestre symphonique de Trois-Rivières. C'est en quelque sorte un retour aux sources ?

JL : Oui, un retour aux sources et de redonner au milieu une partie de mon expérience. C'est là où j'ai grandi et que mes premiers rêves de jeunesse ont pris naissance. Mais devenir titulaire de l'Orchestre symphonique de Trois-Rivières, a été un concours de circonstance. Il y a trois ans, quand on m'a contacté, je croyais qu'on voulait que je les conseille sur le choix d'un chef !

Le petit questionnaire Marcel Proust (revu et corrigé pour les chefs d'orchestre !)

RM : Quel est votre instrument de musique préféré ?
JL : Le violoncelle

RM : Quel est votre idéal de bonheur terrestre ?
JL : De pouvoir réaliser ses rêves.

RM : Sur une île déserte, quelle œuvre musicale apporteriez-vous ? Cela peut être tout l'œuvre d'un compositeur.
JL : Instinctivement je dirais Puccini.

RM : Quelles sont (en dehors de la musique) vos occupations préférées ?
JL : La cuisine et la lecture.

RM : Si vous étiez un animal, lequel aimeriez-vous être ? 
JL : Un koala… plus sérieusement, un chat.

RM : Si vous étiez ténor, vous seriez … ?
JL : Plácido Domingo.

RM : Si vous étiez soprano, vous seriez… ? 
JL : Kiri Te Kanawa ou Mirella Freni.

RM : À quel personnage d'opéra vous identifiez-vous le plus ? 
JL : Werther.

RM : Quel musicien auriez-vous aimé rencontrer ? 
JL : Richard Wagner. J'aurais bien des questions à lui poser !

RM : Quelles sont les qualités que vous admirez le plus chez les humains ? 
JL : La passion et la sincérité.

RM : Comment aimeriez-vous mourir ? 
JL : Dans mon sommeil.

RM : Au Paradis, vos premiers mots à Dieu ? 
JL : Merci c'était «ben l'fun» !

Crédit photographique : © NJSO

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