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Brahms et Berio au sommet, vol. II

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Crédit photographique : Latica Honda-Rosenberg, Pascal Godart ; Tuija Hakkila ; François Payet-Labonne, Eric Crambes, Jean-Michel Dayez © Festival des Arcs 2009

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Festival Les Arcs 2009

Arc 1600. Coupole. 23-VII-2009. Luigi Gatti (1740-1817) : Quatuor pour hautbois et trio à cordes ; (1770-1827) : Trio pour flûte, basson et piano en sol majeur WoO 37 ; (1862-1918) : Danses sacrée et profane. François Laurent, flûte ; Frédéric Tardy, hautbois ; Julien Hardy, basson ; Marion Lénart, harpe ; Eric Crambes, François Payet-Labonne, Ayako Tanaka, violons ; Hélène Clément, David Gaillard, altos ; Xavier Gagnepain, violoncelle ; Laurent Boukobza, piano

Arc 1800. Centre . 23-VII-2009. Carl Reinecke (1824-1910) : Sonate pour flûte et piano en mi mineur op. 60 ; (1862-1918) : Fêtes galantes ; (1925-2003) : Sequenza IV pour piano ; (né en 1970) : Eco pour piano ; Johannes Brahms (1833-1897) : Quatuor à cordes n°2 op. 50 n°2. , contre-ténor ; François Laurent, flûte ; Tuija Hakkila, Marie Condamin, Laurent Boukobza, piano ; Quatuor Rosamonde : Agnès Sulem-Balobrodia, Thomas Tercieux, violons ; Jean Sulem, alto ; Xavier Gagnepain, violoncelle

Arc 1800. Centre . 24-VII-2009. Johannes Brahms (1833-1897) : Sonate pour violon et piano n° 2 en la majeur op. 100 ; Trio pour cor, violon et piano en mi bémol majeur op. 40. (1899-1963) : Trio pour hautbois, basson et piano ; (1925-2003) : Sequenza V pour trombone ; (né en 1970) : Eco pour trombone. Frédéric Tardy, hautbois ; Julien Hardy, basson ; Vladimir Dubois, cor ; Patrice Hic, trombone ; Latica Honda-Rosenberg, , violons ; , Delphine Bardin, piano

Arc 1800. Hôtel du Golf. 25-VII-2009. Piazzolla, Tangos. François Payet-Labonne, Eric Crambes, violons ; Hélène Clément, alto ; Xavier Gagnepain, violoncelle ; Eckard Rudolph, contrebasse ; , piano ; Marion Lénart, harpe ; Bruno Maurice, accordéon

Programme surprenant mais dans le fond plein d'enseignements que celui proposé jeudi sous la Coupole d'Arc 1600. Les trois partitions proposées, assez rares, répondent aux standards du classicisme triomphant, avec des instrumentariums peu usités. Ainsi, Luigi Gatti (a-t-il une relation avec le directeur musical de l'Orchestre National de France, également compositeur ancré dans le passé, comme a pu le découvrir le public du Festival de Montpellier ?), dont la Quatuor pour hautbois, violon, alto et violoncelle aux contours haydniens a indubitablement, avec Frédéric Tardy, Ayako Tanaka, David Gaillard et , beaucoup de charme, avec un hautbois virtuose mais lyrique, dialoguant avec élégance avec un trio à cordes qui lui dresse un tapis de sons d'une suavité extrême. Un vrai régal pour l'esprit. Tout comme le Trio pour flûte, basson et piano en sol majeur de Beethoven, onirique, joyeux et virtuose, mais sans forfanterie. Les trois instruments sont traités à parité, les vents dialoguant avec ductilité, même si, dans le second mouvement, la flûte tend à conduire le jeu, que le basson ponctue et le piano accompagne. François Laurent, Julien Hardy et Laurent Boukobza jouent cette œuvre en complices. Enfin, Danses sacrée et profane de Debussy, que la harpiste Marion Lénart a jouée par cœur, exaltant un son de toute beauté mais tendant à couvrir ses partenaires, ont séduit une salle chauffée à blanc plus concentrée que jamais, malgré l'orage.

Le concert du soir se présentait dans la continuité du précédent, ménageant à son tour des surprises. A commencer par une superbe Sonate pour flûte et piano op. 60 de Carl Reinecke, sorte de vaste symphonie à deux, avec un deuxième mouvement primesautier où les deux instruments rivalisent d'espièglerie, un mouvement lent enjôleur, et un final où la flûte s'efface légèrement pour laisser s'exprimer un beau et grand piano. Dans les Fêtes galantes de Debussy sur des poèmes de Paul Verlaine, a, de sa voix de contre ténor, exprimé avec tact et un plaisir du verbe non feint l'évolution de l'amour humain partant des premiers émois pour se clore sur des souvenirs évanouis. La Sequenza IV pour piano que Berio a composée en 1966 est d'une richesse de timbres et de résonances prodigieuse, enrichie par l'exploitation poussée à l'extrême de la troisième pédale, dite «tonale», qui met en résonance les seules notes ou accords joués au moment où cette dernière est enfoncée par l'interprète. Sous les doigts (et les pieds) de Tuija Hakkila, l'œuvre est apparue d'une simplicité extrême, laissant l'auditoire saisi par ce qui sortait du clavier de la pianiste finlandaise, qui offrait des sonorités en miroirs, des éclats de timbres magnifiquement colorés, une volubilité inouïe qui, transportés par une énergie colossale, laisse transparaître le cantando propre à Berio. L'Eco de Strasnoy reste dans l'atmosphère de ce qui le précède, brossant en moins d'une minute toute une saynète, un moment de bonheur que l'on aurait aimé plus développé. Dans le deuxième Quatuor à cordes de Brahms, le Quatuor Rosamonde confirme les impressions ressenties lors de l'exécution du dernier quatuor du même Brahms, avec les sonorités moins rêches du premier violon, plus précis que l'avant-veille, et l'extraordinaire velouté de l'alto.

Le moment le plus saisissant de cette première semaine de festival est indubitablement le concert du 24 juillet au soir, avec en ouverture de programme une Sonate pour violon et piano n°2 de Brahms éblouissante. L'air de rien, tant le jeu coule avec naturel, les doigts volant sur le manche de l'instrument, l'archet précis et aérien, Latica Honda-Rosenberg magnifie la sensualité, la tendresse, la nostalgie de cette admirable partition. Et comme le pianiste chante avec partenaire, saisissant l'auditeur dès la première et sublime phrase de l'introduction pour ne plus le lâcher jusqu'à l'ultime accord. Dans le plus léger Trio pour hautbois, basson et piano de , Frédéric Tardy, Julien Hardy et ont rivalisé d'humour, de bonhomie et de brio, rendant bien le côté «musique sérieuse pour rire». Mais le sommet de la soirée reste la Sequenza V pour trombone de Berio, œuvre composée en 1965 en référence au célèbre clown suisse Grock mort en Italie en 1959. Le compositeur y fait un usage intensif de la sourdine, référant aux onomatopées et aux bruits incongrus du clown, que l'interprète, Patrice Hic, se plaît à mimer dans son jeu comme dans son allure, tout en exaltant des sonorités incroyables, soufflant, aspirant, roulant des triples sons, allant jusqu'à tirer du trombone des timbres de cor, Berio n'oubliant pas que le nom allemand de l'instrument à coulisse est «Posthorn», «après le cor»… L'Eco de Strasnoy fait aussi un usage intensif de la sourdine, et joue de l'humour triste propre aux clowns qui est bien dans l'esprit du jeune compositeur argentin. Confié à , Vladimir Dubois et Delphine Bardin, le somptueux Trio pour violon, cor et piano de Brahms concluait dans la grâce ce beau concert, mais l'interprétation a été altérée par un violon un peu trop acide.

Moment de détente offert aux membres adhérents de l'association de l'Académie Festival des Arcs, samedi, avec un après-midi peu ordinaire présenté sous la houlette de son directeur artistique, le violoniste Eric Crambes. Profitant de la présence de l'accordéoniste bordelais Bruno Maurice, qui joue un instrument ukrainien, l'animateur du festival a monté un concert consacré à Astor Piazzolla et à la diversité des possibles du tango argentin. Habillé de rouge et de noir et arborant moustache, l'octuor pour accordéon, quintette à cordes avec contrebasse, harpe et piano constitué pour l'occasion a enchaîné plus d'une heure durant tangos savants et à danser dont le point d'orgue a été le duo pour accordéon et violon arrangé par le compositeur bandonéoniste argentin à partir de deux extraits de son «operita» Maria de Buenos Aires, dans lequel Maurice et Crambes ont rivalisé d'élan, de bonheur de jouer, de plastique sonore, tandis que leurs comparses lisaient le journal et trinquaient autour d'un verre de vin de Navarre tout en discutant plus ou moins discrètement.

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