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Gardiner/Bach vol. 25, quand le verbe et la musique s’épousent

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Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Cantates-Volume 25 : « Dresden/Sherborne ». CD1 : Cantates BWV 86, 87et 97. Solistes : Katharine Fuge, soprano ; Robin Tyson, alto ; Steve Davislim, ténor ; Stephan Loges, basse ; CD 2 Cantates BWV 44, 150, 183. Joanne Lunn, soprano ; Daniel Taylor, alto ; Paul Agnew, ténor, Panajotis Iconomou, basse. The Monteverdi Choir, The English Baroque Soloists. Direction : John Eliot Gardiner. 2 CD Soli Deo Gloria, SDG 144. Code Barre : 8 43183014422 2. Enregistrement live à Annenkirche Dresde, 27 & 28 mai 2000 (CD1) et Sherborne Abbey, 4 juin 2000 (CD 2) ; Livret en anglais et allemand traduction en français en ligne sur le site Solideogloria. Durées : 55’10 et 52’40

 

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Contre vents et marées, en dépit de problèmes d'édition et de distribution et l'équipe de son label Soli Deo Gloria poursuivent très patiemment et fidèlement la parution un à un, à un rythme lent mais imperturbable depuis 2005, les enregistrements des cantates de Bach réalisées en 2000 au cours d'un pèlerinage unique, ayant respecté l'année liturgique à travers l'Ancien et le Nouveau Monde.

Retrouver cette équipe au disque convoque immédiatement l'émotion du concert tant l'engagement des musiciens est à chaque fois perceptible. À Dresde, ville dont Bach semblait faire son idéal de possibilités musicales l'enjeu était très impressionnant pour des anglais en terre allemande. D'autant qu'ils ont été confronté à l'acoustique difficile venant du béton utilisé pour réparer les dégâts considérables faits par l'aviation anglaise à la fin de la deuxième guerre mondiale. Conscients des enjeux actuels et anciens, dès les premières mesures de la BWV 86 on perçoit un orchestre concentré et virtuose, au phrasé d'une élégance rare, puis l'émotion et une certaine fragilité gagnent qui devient une vox Domini tendre et jamais sévère. La virtuosité de l'orchestre ne fera que se magnifier tout du long du concert avec un violon agile et un violoncelle imperturbable dans l'air d'alto faisant oublier le timbre ingrat de Robin Tyson. Les hautbois et le basson enrubannent le beau soprano de Katharine Loge dans son choral. Il faut le reconnaître tout du long, c'est la beauté de l'orchestre qui emporte les suffrages car les voix ne sont pas exemptes de défauts. Mais le phrasé des instrumentistes et des chanteurs est si proche, si complémentaire, si palpable, semblant être main-dans-la-main amicalement. Ainsi l'émotion fait oublier que d'autres fois a choisi de plus belles voix. Peut importe ce point avec une telle communion entre musiciens et une si forte déclamation du texte. Car c'est le texte qui est important et non la voix pour elle-même qui est soutenue par les instruments de l'orchestre en état de grâce. Qui peut résister au violon virtuosissime et modeste à la fois, ce qui semble inconcevable ailleurs, dans l'air de ténor de la BWV 97 ?

L'autre élément quasi magique de cet aventureux pèlerinage c'est le . Leur engagement dans les chorals est musicalement et spirituellement intense à chaque intervention. Aussi l'ouverture de la BWV 97 devient comme une jubilation apportant un éclairage brillant lorsque le chœur fugué sous le choral planant des sopranos nous rappelle de quelle virtuosité ce chœur unique est capable, et surtout combien Bach est l'Unique qui peut à la fois mêler un concerto pour orchestre et un chœur si complexe sans confusion aucune. Ces cantates pour porter la parole divine et la force du croyant trouvent ici des interprètes absolument convaincants.

Dans une tout autre acoustique, beaucoup plus gratifiante et en terre anglaise on sent une équipe beaucoup plus détendue dans ce deuxième CD. Le temps liturgique est celui du dimanche suivant l'Ascension. La cantate BWV 44 est particulièrement dansante et sereine. L'équipe de chanteurs est très différente, voix plus rondes et belles comme si la beauté était permise après le réconfort de l'Ascension. L'orchestre et le chœur ne déméritent pas un seul instant et restent les piliers sur lesquels tout l'édifice est construit. La BWV 150 probablement la toute première cantate de Bach est offerte dans une interprétation plus libre et vivante que cinq semaines plus tôt à Arnstadt. La beauté de la sinfonia d'ouverture est bouleversante et l'entrée du chœur amplifie encore ce recueillement avec des nuances d'une douceur extrême. Les oppositions de tempo dont l'œuvre, encore proche de Schütz, est riche sont admirablement négociés par qui semble prendre une réel plaisir à dramatiser ces moments très surprenants, chœur et orchestre le suivant dans ce choix comme un seul homme aussi à l'aise dans les fugues que le moments de spiritualité planante (Leite mich). Les nuances sont très profondément creusées et la grande Ciaccona finale danse et prend l'auditeur dans un mouvement ascendant et descendant, rendant la fin douloureuse comme un adieu imposé alors que ce doux mouvement était si harmonieux. Les instrumentistes sont incroyables de virtuosité surtout dans les tempi de Gardiner (violoncelle dans Zedern müssen, violons et basson dans la Ciaccona).

La cantate BWV 183 irradie de la confiance du croyant malgré les épreuves. L'air de ténor Ich fürchte nicht, admirablement interprété par et un violoncelle picolo d'une rare tendresse, contient ce qu'il faut de fragilité et d'angoisse. Car l'affirmation dans le texte de ne pas craindre la mort, est contredite bien souvent par la musique. Dans des moments semblables l'enregistrement live montre sa supériorité à toute perfection du studio car l'émotion de la voix et du violoncelle picolo qui se parlent et s'écoutent est remplie d'improvisations infimes bouleversantes, même la maîtrise imparfaite de l'allemand est porteuse d'émotion.

Ainsi ce double CD démontre la force de conviction de John Eliot Gardiner et de ses musiciens dans des circonstances très diverses. La dernière partie de la construction de cette intégrale discographique est toujours aussi riche en émotions rares.

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