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Giselle, apanage de l’Opéra National de Paris… ?

En allant voir dans la seconde représentation de la reprise du ballet prétendument phare de la Grande Boutique, il était peu prévisible de savoir ce que nous allions voir, tout en étant conscient de ce que nous n'avions plus à espérer.

Mlle Moussin, au crépuscule de sa carrière, n'a pas réussi, techniquement parlant, à combler tout ce qu'il aurait été en droit d'attendre d'une Etoile de la compagnie nationale.

A l'aune de nombre de consœurs internationales, et sans prendre comme étalon les références du Palais Garnier, tout le talent de la danseuse n'a pu être tout à fait satisfaisant aux normes décentes d'un premier rôle. En revanche, elle a offert une interprétation remarquable de la folie qui n'était pas sans rappeler les gravures d'hystériques de Charcot, avec un regard qui transperce le terrestre pour aller se figer dans l'au-delà, déjà. Ne pouvant se démarquer particulièrement dans la virtuosité, et passé (bien difficilement) l'écueil de la première variation, elle s'est débarrassée du poids du rôle pour en faire un portrait tout personnel et peu conventionnel ; on pourrait regretter des bras exagérément bas et des poignets cassés, mais il y a une recherche d'effets atypiques (des portés où le corps est dématérialisé admirablement), des respirations lors des montées sur pointe, des arabesques tenues. Tout cela ne peut être éludé au profit d'une fatigue qui s'installe au long de la représentation.

, quelque peu terne dans le premier acte (et on ne comprend rien de ce qui anime Giselle), était, comme à son habitude un solide partenaire. Toutefois, nombre de détails dans le partenariat et dans la coordination musicale étaient encore à soigner. Sa variation était très brillante, avec des sauts énergiques et une justesse d'action appréciable. Toute l'interaction avec Hilarion, incarné par , était admirable de cohésion, et l'on ne peut que se féliciter que le rôle ingrat du second prétendant de Giselle soit interprété avec tant d'intérêt et d'investissement. Quant au Pas de Deux des Paysans, on y aura admiré Mlle Giezendanner, quoique encore raide par moments, et M. Gaillard, bondissant dans sa première variation avec plus de bonheur que dans la seconde. Une mention spéciale pour la noblesse hiératique de Mlle Lamoureux en Bathilde, ainsi que pour la belle élévation et la petite batterie de Mlle Renavand en Wilis. Enfin, Mlle Gillot, après quasiment un an d'absence de danse académique aura démontré sa supériorité technique et sa présence incandescente. On aura compris, en la voyant, nombre d'intentions de Myrtha, son pouvoir et son impuissance face à l'amour de Giselle. Un art fabuleux qu'on ne se lasse pas de contempler.

Malheureusement, le Corps de Ballet commence la saison avec un ballet bien difficile qui aurait demandé une autre préparation ; alors que cela devrait être pour la compagnie où est né ce ballet une simple formalité de reprise, on n'y trouve dans la danse aucune cohésion ni artistique ni esthétique ; les pas sont malmenés et les ensembles escamotés. L'habituelle symétrie qui apporte la sérénité est rigoureusement peu respectée. Les ports de tête semblent différents entre chaque danseuse, comme si un manque de directives en aurait été la cause ; le travail de bas de jambe est insuffisant, et les bras sont bien mal dessinés ; nombre de nouvelles engagées sont venues grossir les rangs (une partie de la troupe étant en tournée), mais dans ce cas, la jeunesse ne s'accompagne pas de fraîcheur, tout semble lourd et bien peu lyrique (sans compter les diverses chutes de certaines).

Comme à l'accoutumée, il n'y a pas de commentaires particulièrement élogieux à défendre pour l'. Était-ce vraiment l'Opéra de Paris qui présentait le chef-d'œuvre du Romantisme finissant ?

Crédit photographique : , Corps de Ballet © Julien Benhamou / Opéra National de Paris

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