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Chopin et la musique de chambre

Dans le cadre des commémorations Chopin 2010, les artistes polonais (violon), (violoncelle) et (piano) ont enregistré une intégrale de la musique de chambre de leur génial compatriote. Un répertoire peu joué que l'on prend plaisir à (re)découvrir ici, grâce notamment au piano Pleyel de 1845 utilisé pour la circonstance.

La Polonaise pour piano et violoncelle op. 3, œuvre de jeunesse, enveloppe l'auditeur d'une chaude allégresse. Bien que Chopin ne l'ait pas crue digne d'intérêt, elle présente certaines caractéristiques de ses compositions futures : un thème vibrant, une inventivité sans borne et… un piano qui règne presque sans partage. Toutefois, sauve l'équilibre du morceau grâce à son puissant coup d'archet. Partenaire de Marc Szlezer au sein du Cracow Duo, il n'a pas de mal à superposer sa ligne mélodique à celle du piano, sans la fondre dans les cascades de celui-ci.

Le Trio en sol mineur est joué avec un égal tonus de part et d'autres. Les cordes conservent leur autonomie vis-à-vis d'un piano-roi et insufflent un surcroît de tension dramatique. L'Allegro con fuoco fait planer une réelle menace, que le Scherzo ne parvient pas à dissiper totalement. Clé de voûte de l'œuvre, l'Adagio sostenuto apaise enfin notre angoisse, qu'il change en un chagrin gros de soupirs étouffés et de larmes contenues. L'Allegretto final ne conclut pas par la joie retrouvée, mais laisse ouvert le dénouement de l'intrigue. Ces quatre actes sont en tout cas fort joliment exécutés.

Ensemble de variations sur des thèmes de l'opéra Robert le Diable de Meyerbeer, le Grand duo concertant réunit à nouveau Szlezer et Kalinowski pour un face-à-face inspiré. L'entente est parfaite : à aucun moment les deux instruments cessent d'être solidaires. Dans les passages accordant plus d'importance à l'un d'eux, le grand sens de la partition des musiciens permet d'éviter toute surenchère de l'autre. La musique de chambre suppose une modestie sans laquelle elle ne serait qu'un vacarme à huis clos ; cette modestie, Szlezer et Kalinowski la possèdent chacun au plus haut point.

Mais c'est la Sonate pour piano et violoncelle qui permet encore d'en mieux rendre compte. Dans cette œuvre de la maturité, qui met plus que jamais le violoncelle en valeur, les deux musiciens placent leur maîtrise technique au service, non pas d'une bruyante démonstration de virtuosité, mais au contraire d'un effacement alterné toujours opportun. C'est une vertu suprême dans un tel duo, car il est bien plus aisé d'y briller que de s'y faire oublier. Or précisément, Szlezer et Kalinowski se ménagent mutuellement avec subtilité. Cet art de la discrétion à propos, outre qu'il rend justice aux intentions de Chopin, nous vaut ainsi une lecture intelligente et méditative de cette sonate. Le son incomparable de clarté de l'instrument historique de Szlezer ne gâche rien par ailleurs. Ce disque est un régal pour tous les amoureux de Chopin.

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