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Chat perché de Jean-Marc Singier, les ressorts du Merveilleux

C'est l'imaginaire mis à l'œuvre, celui de portant son projet depuis plusieurs années et de , compositeur, qui fait de l'opéra de chambre Chat perché, donné en création à l'Opéra Bastille, l'un des plus beaux spectacles de la saison.

Dans Les Contes du Chat Perché de Marcel Aymé, qu'il ancre dans l'univers un peu frustre de la terre jurassienne, les deux fillettes Delphine et Marinette vivent à la ferme, entourées d'animaux qui parlent et dont elles sont les complices face à des parents en gros sabots qui n'entendent pas»s'en laisser conter» et tentent, mais en vain, de ramener tout ce petit monde à la réalité («Ourler des torchons»).

Après une entrée en fanfare très festive qui donne le ton, la féérie opère dans un décor stylisé mais néanmoins champêtre ; sorte de petit théâtre forestier où se profilent des haies de bois sur un fond de paysage tourmenté se reflétant sur le sol alentour. Les jeux de couleurs et de lumière viennent nuancer les atmosphères.

L'auditeur est aussitôt plongé dans un univers drôle et poétique que chaque protagoniste, chanteur, danseur et comédien tout à la fois, habite à sa manière. Sous le geste discret (mais pas toujours!) de modifiant sans cesse sa position stratégique, les cinq musiciens, présents sur scène côté jardin, sont aussi le chœur des animaux et viennent à l'occasion, avec leur attribut respectif, jouer la comédie. Distillée avec délicatesse et économie, la musique raffinée de colore ce monde de fantaisie d'une palette de timbres très inventive, incluant quelques appeaux espiègles.

Très étonnant encore, le rôle des deux fillettes – Johanna Hilaire et Anne-Claire Gonnard, danseuses contorsionnistes – éblouissantes de jeunesse et de naturel dans leurs «ondoiements plastiques» de plus en plus surprenants imaginés par le chorégraphe . Endurant avec philosophie les reproches de leurs parents – robustes et Michel Hermon – elles nous guident dans l'histoire (on pense aux jumelles de Jacques Demy), mettant en valeur la langue savoureuse, sonore et énumérative de Marcel Aymé qu'elles prolongent parfois de quelques «fredons» délicieux. Parmi les héros de la basse-cour, Le Paon – somptueux – impressionne dans sa robe bleu-nuit par l'élégance de son jeu et de son timbre ; Le Cochon, irrésistible, est magnifiquement campé par le ténor et comédien accompli  ; il tient le devant de la scène jusqu'à sa fin tragique dans le ventre de La Panthère. La jeune colorature Sonia Bellugi est merveilleuse de fraicheur et de spontanéité dans le rôle du Canard qui revient des Indes accompagné par La Panthère : (danseur hip-hop) vient alors compléter ce casting de rêve par une prestation hors-norme, réactivant de sa présence magnétique tous les ressorts du merveilleux pour donner à la fin du spectacle justesse petit pincement au cœur que l'on n'avait pas encore éprouvé.

Un enchantement pour petits et grands, de 4 à 75 ans!

Crédit photographique : Michel Hermont (Le Père) © Guy Vivien

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