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Samuel Barber, des historiques indispensables

Si le centenaire de la naissance de (1910-1981) vient de s'achever, nous sommes en plein trentième anniversaire de sa disparition, et à cette occasion, le magnifique label historique West Hill Radio Archives, comme son nom l'indique judicieusement, met à la disposition des mélomanes d'inespérées archives radiophoniques qui recouvrent l'entière production du compositeur. Mais pas uniquement d'ailleurs des captations en public, puisque dans ce prestigieux coffret nous retrouvons au studio notamment le 78 tours où interprète de sa belle voix de baryton son Dover Beach op. 3, ainsi que les gravures Decca avec orchestre qu'il a réalisées du 11 au 13 décembre 1950, et déjà rééditées récemment sous étiquette Naxos : les transferts de ces inestimables enregistrements Decca nous semblent même encore mieux réussis que ceux déjà remarquables de Mark Obert-Thorn chez Naxos. Ce coffret est donc assurément l'indispensable complément du superbe album de la remarquable chef d'orchestre new yorkaise Marin Alsop, l'ensemble nous offrant enfin l'opportunité d'une appréciation complète et dans les meilleures conditions possibles de l'œuvre de ce très grand compositeur américain.

L'album West Hill Radio Archives sous rubrique a en effet bien des atouts : il nous présente certaines œuvres à la fois sous leur double version originale et révisée. C'est le cas de la Symphonie n°1 en un mouvement op. 9, de la Symphonie n°2 « Flight Symphony » op. 19, du très lyrique Concerto pour violon op. 14. Et rien que pour ces trois partitions, on constate que le chanceux Barber avait l'honneur de disposer des interprètes les plus illustres de l'époque : les chefs d'orchestre Artur Rodzinski, , , , et les violonistes Albert Spalding et Ruth Posselt. Mais très probablement ces sommités musicales étaient également très heureuses d'enfin trouver un compositeur à leur mesure !

Il y a même pas moins de trois versions du superbe Knoxville : Summer of 1915 op. 24, dont la toute première exécution radiodiffusée du 19 juin 1949 est dirigée par qui non seulement fut un compositeur pour le film de génie, mais déploya toute son énergie à défendre la musique de ses collègues, et fit découvrir Charles Ives à Leopold Stokowski !

Lorsqu'en 1950 Decca proposa à Barber de diriger personnellement les propres œuvres de son choix, le compositeur évita soigneusement le célébrissime Adagio pour cordes op. 11 dont l'extrême popularité au détriment d'autres de ses créations le dérangeait particulièrement. Decca avait de toute façon confié l'interprétation de ce « tube » au célèbre ensemble à cordes Boyd Neel.

Mais rassurez-vous, cet Adagio pour cordes est bel et bien présent dans ce coffret, et même sous ses deux incarnations : la première dans l'expansion pour orchestre à cordes que Barber avait envoyé à Toscanini, ainsi que l'Essay n°1 op. 12, au printemps de 1938, et dirigés tous deux ici comme il se doit par l'illustrissime maestro enthousiasmé, dans la première exécution « live » du 5 novembre 1938 ; la seconde dans sa version originale, et remis dans son contexte comme deuxième mouvement du Quatuor à cordes en si mineur op. 11, interprété ici en public par le Curtis String Quartet de Philadelphie, le 14 mars 1938. Ce Quatuor est d'ailleurs lui-même proposé dans sa version originale, car Barber, insatisfait du Finale Molto Adagio – Presto quelque peu chaotique, le remaniera par après pour sa version définitive de 1943. Nous avons ici l'enregistrement du 14 mars 1938 de l'avant-première de ce Quatuor dans sa version originale, puisque la création publique n'eut lieu que le lendemain. Malheureusement, si les excellents ingénieurs du son (Lani Spahr et Aaron Z. Snyder) ont réalisé des prodiges dans la restauration de ces inestimables documents, l'enregistrement du Curtis String Quartet était trop médiocre pour pouvoir espérer un confort d'écoute minimal, d'autant que la trop grande réduction du bruit de fond le fait ressembler à un alien !… On ne peut donc que le considérer comme simple référence historique pour mémoire.

Toutefois la pièce la plus importante en ampleur de cet album est assurément l'opéra Vanessa op. 32, sur un livret de , dont la création au MET le 15 janvier 1958 fut confiée à un autre illustre chef d'orchestre : . Dans ce coffret nous est proposée l'unique « live » historique de l'œuvre, radiodiffusion de la troisième représentation du 1er février 1958 au Metropolitan Opera de New York ; il ne s'agit donc pas de l'enregistrement RCA-Victor réalisé en février et avril 1958 au Manhattan Center de New York. Nous retrouvons dans tous les cas les mêmes prestigieux interprètes : (Vanessa), Nicolaï Gedda (Anatol), (Erika), Regina Resnik (Baroness), Giorgio Tozzi (Doctor), George Cehanovsky (Nicholas) et Robert Nagy (Footman).

Nous pourrions commenter toutes les autres œuvres à l'infini, tant cette somme d'enregistrements est passionnante, mais qu'il nous suffise de féliciter les producteurs de cette magnifique réalisation dans laquelle il n'a certainement pas été de tout repos de rassembler tous ces précieux témoignages sonores. Ceux-ci sont complétés judicieusement par des commentaires parlés (en anglais évidemment) du violoncelliste et interprète de la première heure Orlando Cole (1908-2010), de lui-même ainsi que de son meilleur ami et confrère (1911-2007). Les excellentes notices en anglais et français sont respectivement de Barbara B. Heyman et Pierre Brévignon.

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