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Un Martinů aux justes proportions par Bartek Nizioł

Aucun compositeur depuis Josef Haydn n'avait composé autant de musique de chambre que –92 œuvres sont recensées dans la seconde édition (2007) du catalogue établi par Harry Halbreich (Schott)- et comme le prouve le programme de ce disque, la flûte n'est pas en reste de pièces passionnantes.

Page la plus « ancienne » d'entre elles, la Sonate pour flûte violon et piano H. 254 (1937) créée « en famille » par Marcel Moÿse, Blanche Honegger et Louis Moÿse, ne détonne pas dans l'esthétique parisienne de Martinů : parfums néoclassiques mêlés d'accents jazzistiques et folkloriques (tchèques) caractérisent ses quatre mouvements. Seule composition « française » du présent programme, son interprétation justement dosée et parfaitement équilibrée prend le pas sur la précédente gravure de l'œuvre publiée par Naxos en 2010.

Plus probante encore est la Sonate pour flûte et piano H. 306, partition mieux connue composée en 1945, immédiatement après la Symphonie n°4. Dédiée à Georges Laurent -rencontré alors que Martinů enseignait la composition au fameux festival de Tanglewood- elle a fait l'objet d'une vingtaine d'enregistrements à ce jour. Agata Igras-Sawicka s'y montre très convaincante et déploie sa partie en portant une attention toute particulière à l'articulation (toujours importante chez Martinů). Mariusz Rutowski fait quant à lui preuve de clairvoyance en laissant notamment subtilement ressortir, dans l'Adagio central, la citation du thème du Requiem de Dvořák -que Martinů découvrit probablement par l'intermédiaire de Josef Suk qui l'utilisa effectivement comme charnière structurelle dans le deuxième mouvement de sa Symphonie n°2 « Asrael ». Rares sont les pianistes qui remarquent ou soulignent cette référence ; détail représentatif de la soigneuse analyse menée par les musiciens.


L'interprétation des autres pièces (toutes deux écrites pendant la guerre) est également idiomatique. Peut-être l'équilibre sonore penche-t-il parfois en défaveur du violon dans la Sonate madrigal pour flûte, violon et piano H. 291 (un problème peut-être dû à la prise de son) mais l'on ne boudera pas son plaisir à écouter chanter la flûte (la partie Moderato du deuxième mouvement de la même œuvre !). Tout comme dans la Sonate pour flûte et piano, les artistes ne ménagent pas leur peine pour communiquer toute l'énergie contenue dans ces pages (le finale du Trio est exemplaire). Accompagné d'une notice très didactique de Lucie Berná, collaboratrice de l'Institut Martinů de Prague, ce disque s'impose comme le maître achat en ce qui concerne ce répertoire passionnant.

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