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Katia Skanavi retrouve Rachmaninov

L'association semblait tenir toutes ses promesses : Skanavi dans son répertoire de prédilection sous la direction de Tabachnik sauf que la ‘réalisation' au disque est parfois ingrate et ne permet pas toujours de marquer les esprits. Pourtant, dès les premières notes, l'alchimie est évidente dans cette nouveauté consacrée à Rachmaninov.

La stupéfiante qualité du son est la première réussite de cet enregistrement. Usant des dernières technologies de pointe notamment avec le système DSD, Renée Gambini a su capter une authenticité qui a un goût savoureux de « revenez-y ». Même avec un modeste matériel hi-fi, le résultat est saisissant. Un peu comme si musiciens et solistes s'invitaient dans votre salon ! L'équilibre des plans est comparable à celle du live et gagne ainsi en amplitude vibratoire.

Le premier concerto pour piano fait partie de ces musiques qui vous accompagnent toute une vie comme pour témoigner de chaque sentiment éprouvé et ressenti au cours de l'existence par le cœur humain. Il contient déjà toutes les caractéristiques d'écriture du maître Russe alors qu'il n'avait que seize ans lorsqu'il commença à en écrire les premières mesures. Moins joué que le deuxième, il n'en est pas moins d'une redoutable difficulté digitale. La « mise en place » entre le soliste et l'orchestre s'avère également délicate.  Le jeu fort nuancé de épouse le raffinement de langage de l'œuvre et nous entraîne dans une interprétation habitée d'une densité viscérale. Il met ainsi en lumière l'insolente modernité du sublime Andante ou bien souligne le caractère incisif du final dans un dialogue espiègle avec l'orchestre.  La cadence du premier mouvement n'est certes pas très rapide –surtout si on a à l'esprit le tempo infernal de lui-même –  mais pour une fois, enfin de vraies basses de ‘cloches' qui ne sont pas asphyxiées par la pédale !

Sans tomber dans un sentimentalisme tiède, l'orchestre déploie de part et d'autre une large palette de couleurs à l'écoute des intentions de la pianiste. Il apporte une dimension symphonique sous la direction d'un inspiré dont le sens du détail et de l'architecture n'est pas sans rappeler la précision de Pierre Boulez. La métrique de la Rapsodie en est un exemple probant. Composée en Suisse longtemps après son départ de Russie, cette œuvre est aussi clinquante qu'elle est attachante par ses brillants contrastes et sa profondeur mélodique.  La fameuse 18e variation  et son enivrante douceur est probablement le sommet du disque aux côtés de la beauté plastique de la dernière variation avec son thème des « cloches ». Spontanéité et fraîcheur viennent ainsi clore en beauté ce magnifique disque qu'on aura plaisir de ranger aux côtés des nombreuses références du genre dont celle de Rachmaninov en personne avec Eugene Ormandy ou bien les Richter/Sanderling et plus récemment   Zimerman/Ozawa. A noter le soutien financier significatif apporté par la ville de Marseille et ses collectivités territoriales. Après la nomination de Lawrence Forster à la tête de son orchestre pour la prochaine saison, la cité Phocéenne semble bien partie pour revenir sur le devant de la scène musicale.

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