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Bach par Kei Koito sur l’orgue de Haarlem

poursuit pour Claves ses récitals Bach sur divers instruments historiques européens. Après Groningen (Martini kerk), Dresde (Hofkirche), voici à présent l'impressionnant instrument hollandais d'Haarlem, construit par Christian Müller en plein XVIII° siècle. A l'époque, les autorités donnèrent carte blanche au constructeur, sans aucune limite financière, ce qui aboutit ainsi à un orgue monumental, dont les proportions du buffet avoisinent les vingt cinq mètres de hauteur, ornées de grandes tourelles de pédale de 32 pieds. Encore aujourd'hui, cet orgue reste sans égal et éblouit le spectateur. On sait que Händel, Mozart et Mendelssohn le jouèrent. Par chance également depuis son édification, il a gardé toute son âme baroque sans trop de transformations. En 1960, une restauration au goût de l'époque est réalisée par Marcussen et fils. Par la suite, c'est le grand facteur hollandais Flentrop qui de 1987 à 2000, ré harmonisa l'instrument pour recréer ses qualités sonores initiales.

Comme elle nous a habitués dans les volumes précédents, construit de manière très originale son programme. Elle nous offre de grandes pièces : le grand Prélude et fugue en si mineur, la Toccata en fa majeur, et quelques chorals choisis dont le fameux « Je veux te dire adieu ». Elle traite deux autres chorals de manière particulière en rajoutant de nombreux ornements, dans un italianisme cher à Bach. Ce qui attire encore plus notre attention ce sont des œuvres transcrites ou adaptées d'après le clavecin, ou depuis les cantates. Nous trouvons également un concerto d'Alessandro Marcello pour le hautbois, que Bach avait lui-même adapté pour le clavecin, et que revisite encore en repartant de la partition originale pour mieux l'adapter à l'orgue, notamment en ce qui concerne toute la partie de continuo confiée ici au pédalier.

La perle de ce récital est sans nul doute l'adaptation d'une aria de la cantate BWV 170 « Bienheureuse paix, bien aimée béatitude ». Quelle musique émouvante et si bien rendu à l'orgue, sans qu'à aucun instant son sens profond n'en soit trahi. On entend un lit de jeux de fonds constituant l'orchestre et le continuo, un jeu soliste orchestral, et le chant même de l'aria sur un autre jeu, en trio : Une pure merveille ! Cela montre combien il reste encore tant de choses à redécouvrir chez Bach, cela étonne, surprend, et nous touche.

Dans cette acoustique généreuse, captée à merveille par Jean-Claude Gaberel, grand spécialiste en la matière, le jeu de Kei Koito s'épanouit pleinement. Les mélanges sonores sont choisis avec beaucoup de subtilité, sans surcharge, malgré l'ampleur de l'instrument, les tempi sont parfaitement adaptés aux dimensions de l'ensemble.

Une nouvelle fois nous retrouvons le jeu vivant, dansant, orchestral de l'artiste, puisant au sein même des textes toute l'énergie nécessaire à rendre cette musique jubilatoire et émouvante.

On ne saurait exhorter l'éditeur à poursuivre cette quête rare, où chaque album qui arrive est perçu comme un cadeau rare, attendu avec impatience et excitation.

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