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Œuvres chorales de Rautavaara : une somme passionnante

L'un des tours de force d' fut certainement de métamorphoser en les personnalisant les innombrables esthétiques successivement abordées au cours de sa longue et riche carrière.

Aujourd'hui, à bientôt quatre-vingt-cinq ans il continue de composer. Inspiration et longévité sont tout simplement confondantes. Bien qu'il se défende de n'être pas un authentique créateur de musique chorale nous n'hésiterons pas à nous insurger quant au propos bien étranger à la réalité que révèle l'intégrale proposée ici en un coffret de quatre CD défendus magistralement par une exceptionnelle brochette de musiciens finlandais.

Parmi eux, et en première ligne, le Chœur de chambre de la Radio finlandaise, excellente formation que l'on retrouve à la défense talentueuse de toutes les œuvres, guidé par deux chefs plus qu'expérimentés, à savoir Timo Nuoranne et Eric-Olof Söderström. Plusieurs solistes apportent également leur précieux concours. L' embellit les deux partitions majeures que sont True & False Unicorn composée en 1971 (révisée en 2000) et une œuvre  planante et chaleureuse mais non dépourvue de tonus et d'élans virils nommée On the Last Frontier (ici dirigée par ) et composée en 1997.

Donc, toutes ces musiques reflètent la curiosité de Rautavaara, son implication sincère mais toujours revisitée et enrichie des styles rencontrés. Depuis ses premières pièces, datées des années 1950, marquées par le dodécaphonisme jusqu'aux esthétiques post-modernes en passant par un pluralisme inspiré et protéiforme au cours des années 1960-1970. Les préoccupations sinon religieuses du moins humanistes et œcuméniques inspirent le vaste Vigilia (1971/1996). Le mysticisme orthodoxe, ses mystères et ses passions, bien qu'éloigné de la pure  tradition romantique de la musique orthodoxe s'appuie aussi bien sur les origines du chant byzantin que sur sa revisitation contemporaine. Rautavaara s'est toujours intéressé aux aspects métaphysiques et religieux de l'activité humaine tout en ménageant constamment une place de choix à l'expression d'une vision dite moderne, débarrassée de tout frein dogmatique. En témoignent des musiques comme le Magnificat (1979) et Canticum Mariæ Virginis (1979) redevables de l'église catholique. Le Finlandais éclectique n'a cependant pas hésité à illustrer des aspects plus ironiques, grotesques voire absurdes, soit dans des partitions inspirées de l'Ecole de Vienne (Missa duodecanonica, 1969 ; Credo, 1972), soit dans des œuvres chorales séculaires (Ludus verbalis, 1957 ;  Pratisch  Deutsch, 1969). Concision, ostinato rythmique, diversité mélodique, intensité, introversion parfois, expérimentation souvent, enrichissent des œuvres comme la Suite Lorca (1973), réinvestissent successivement et adroitement des pensées du psychiatre R.D. Laing (Nirvana Dharma, 1979), se réapproprient l'esprit de la poétesse finlandaise de langue suédoise Elisabeth Södergran (Katedralen, 1989) et même Rainer Maria Rilke ou l'écrivain national Aleksis Kivi.

On ne saurait refuser une telle invitation-exploration véhiculée par la pensée effervescente et effusive d'un des principaux compositeurs-penseurs de notre temps.

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