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Pollini Perspectives à Pleyel : dernier concert en apothéose

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Paris. Salle Pleyel.18-III-2013. Pollini Perspectives. Salvatore Sciarrino (né en 1947): Madrigali Concertati – Carnaval n°10,11,12 pour ensemble instrumental et choeur mixte à 5 voix; Ludwig van Beethoven (1770-1827): Sonates pour piano n°30,31,32. Klangforum Wien; Neue Vocalsolisten Stuttgart; direction Tito Ceccherini; Maurizio Pollini, piano.

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Pour ce dernier concert des « Pollini Perspectives » 2011-2013, le Maestro, achevant son cycle Beethoven par les trois dernières Sonates, – l'enregistrement de l'intégrale est prévu très prochainement chez Deutsch Grammophon – était ce soir secondé par son fils Daniele, soliste dans la première partie du programme. C'est la musique du compatriote et ami qui était associée cette fois à celle du Maître de Bonn et invitait sur scène des instrumentistes et chanteurs rompus à la manière concise et stylisée du compositeur palermitain: les Neue Vocalisten Stuttgart et le sous la direction de .

Les 12 Madrigali Concertati – Carnaval – dont nous entendions les trois derniers en création française – ont été commandés à Sciarrino par et créés au Festival de Lucerne. Le compositeur y multiplie les références, celle de Schumann par le titre mais aussi de Monteverdi par le genre. Il projetait d'ailleurs d'écrire un « Second Livre » a capella comme celui du Maître de Mantoue.

Les n°10, 11 et 12 forment un triptyque un peu à part dans la mesure où la pièce centrale est strictement instrumentale et où les textes des deux autres, très dépouillés, s'inspirent de l'esthétique de la Chine ancienne. On y entend le profil singulier de la vocalité sciarrinienne, à savoir de petites figures plaintives à l'allure glissée, faisant fluctuer la hauteur et l'intensité. L'écriture instrumentale toujours concertante adopte cette même concision, créant un discours très fragmenté, énigmatique et aux marges du silence. L'ensemble très atypique (flûtes alto et basse, 2 violoncelles, 2 clarinettes basses, 2 trombones) forme une marqueterie de timbres graves relevés par les touches claires de la percussion. Cet univers poétique fondé sur le principe d'une « concentration pour l'essentiel » se retrouve au même titre dans la pièce instrumentale (n°11) même si le piano – aérien Daniele Pollini – beaucoup plus volubile, génère une matière plus généreuse mais toujours transparente. A la tête de musiciens exemplaires, communiquait avec beaucoup de justesse l'atmosphère de cette musique raffinée, intimiste et ritualisée du compositeur italien.

En seconde partie de concert, , très impressionnant, abordait dans un même élan interprétatif les trois dernières Sonates de Beethoven dans lesquelles le compositeur épris de liberté fait éclater le cadre traditionnel du genre au profit d'une dramaturgie personnelle empruntant des voies tout à fait inédites.
Avec ce sentiment d'urgence qui passe dans son jeu et nous captive d'emblée, le Maestro accuse les reliefs d'une écriture très fragmentée dans le premier mouvement de l'opus 109 et joue à merveille des contrastes de timbres et de matériau. Le Prestissimo en mineur se nourrit du geste rageur qui l'amorce et assombrit brutalement le paysage sonore. Le dernier mouvement à variations n'est pas encore ce « passage initiatique » que sera l'Arietta dans la dernière Sonate. Pour autant, éloigne toute dramaturgie et semble abolir le temps en nous immergeant dans le mouvement de la matière et les métamorphoses du timbre.

Plus audacieuse encore, avec sa fugue finale comme résolution de toutes les tensions, l'opus 110 creuse davantage les sinuosités du parcours dramatique qu'emprunte le jeu parfois risqué du pianiste; si la qualité digitale – celle d'un premier mouvement redoutable – n'est pas toujours irréprochable, la conduite du discours est passionnante et suspend notre écoute au fil de la pensée beethovénienne. Après l'incisif Allegro molto du second mouvement, Maurizio Pollini déploie dans le Finale une trajectoire saisissante, de l'Arioso dolente, abordé sous l'angle du timbre et de l'articulation, à l'écriture objective de la Fugue, porteuse d'une énergie nouvelle et d'une souveraine organisation.
Rigueur et puissance du jeu sont portés ici par un élan émotionnel aussi intense que contenu chez notre pianiste.

Maurizio Pollini nous laissait sur ces hauteurs dans l'opus 111 qui trouve son équilibre au sein des deux seuls mouvements conçus par Beethoven pour cette ultime sonate. L'autorité du geste pianistique préside à la rigueur des tempi et à l'énergie que le soliste insuffle au son dans l'Allegro con brio et appassionato. Dans l'Arietta, sublime sous les doigts de l'interprète, l'émotion nait des sonorités inouïes qu'il tire des régions lumineuses de son instrument, au terme du processus de métamorphose mis à l'oeuvre au fil des variations: un cheminement sonore et spirituel qui laissait sans voix.

Photo: Mathias Bothor/DG

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