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Elena de Francesco Cavalli, découverte lyrique d’Aix

OUF ! Après une remarquable mais peu lyrique création (The House Taken Over), un Rigoletto indigent, un Don Giovanni à la distribution bancale, enfin le festival d'Aix se hisse à ce qui devrait être son niveau permanent.

Portée par une distribution jeune et talentueuse, une mise en scène inventive et une direction musicale exceptionnelle, cette Elena de est l'heureuse surprise de ce cru 2013.

Dans la lignée de l'opéra vénitien – dont ne sont rescapés de nos jours que Il Ritorno d'Ulisse en Patria et L'Incoronazione di Poppea de Monteverdi et La Calisto du même Cavalli – Elena mêle tragique et comique, réalisme et invraisemblance et joue avec le travestissement. Ici point d'Hélène de Troie, mais l'origine du mythe, nettement moins connu – et évidemment transformé. Hélène, fille de Tyndare (en réalité de Zeus) et de Léda est une jeune fille, la plus belle du monde, mais préfère les jeux du stade à ceux de l'amour. Ménélas entre officiellement au service d'Hélène en se travestissant en amazone – et fait chavirer tous les hommes du royaume. Thésée, son rival en amour, enlève la princesse et sa (fausse) suivante. S'en suit une série de quiproquos tous aussi cocasses les uns que les autres, avec interventions de dieux divers, chasseurs, argonautes, esclaves, bouffons et évidemment Hippolyté, l'épouse amazone – et trompée – de Thésée. Tout est bien qui finit bien, et Hélène part avec Ménélas. La suite est une autre histoire.

La mise en scène de vise à la simplicité avec efficacité. Un dispositif mouvant en arc de cercle, des tentures, des accessoires, rien de plus. Le reste est dans les gestes et les attitudes. Les nombreuses scènes s'enchaînent les unes aux autres sans temps mort, les chanteurs ainsi dirigés se révèlent être d'excellents acteurs. Point de réalisme, tout est distancié, avec des perruques extravagantes, des costumes qui entrechoquent les périodes ou des déplacements scéniques cocasses, simples et toujours bien vus. Le tout est réhaussé par le très fin travail de lumières de Christian Dubet. Une mise en scène d'une rare intelligence, sans prétention ni boursouflure, un véritable travail théâtral au plus près du texte qu'on souhaiterait voir appliqué plus souvent à l'opéra.

Comme à l'accoutumée pour les oeuvres de cette période, le chef d'orchestre doit assumer la réalisation instrumentale. Réussite de premier ordre pour , qui a ressuscité avec brio cette partition grâce au . L'instrumentation proposée est riche, variée et brillante, nous éloignant enfin du continuo terne et monotone souvent de mise – mais n'oublions pas de joindre à la réussite du chef celle de ses musiciens de la . García Alarcón est dans la lignée de celui dont il fut l'assistant, Gabriel Garrido, par l'exubérance de ses réalisations – tant instrumentales que rythmiques – avec une technique de direction plus solide. Après la découverte du Diluvio universale de Falvetti et cette Elena, vivement la suite – avec un Nabuchodonosor, toujours de Falvetti.

Enfin la distribution n'est pas en reste, loin de là. Valer Barna-Sabadus, révélation 2013 des International Classical Music Awards, domine la scène en Ménélas travesti, face à la solaire Emöke Baráth en Hélène.  et  confirment un devenir professionnel de qualité, l'ensemble des seconds rôles – fort nombreux – est assumé avec professionnalisme. Enfin Emiliano Gonzales Toro, « jeune doyen » de la troupe, a la vis comica nécessaire pour habiter le rôle du bouffon sans sacrifier à la perfection vocale.

Crédit photographique : Emöke Barath (Elena); Fernando Guimaraes (Teseo), (Nettuno), (Peritoo) © Patrick Berger / Artcomart

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