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Ouverture du festival de Prades avec le Wiener Piano Trio

Sous un nouvel éclairage et d'autant mieux mise en valeur, l'Abbaye de Saint Michel de Cuxa, au pied du Canigou, ouvrait ses portes au Festival Pablo Casals et à l'univers de la musique de chambre pour une 61ème édition que annonce éclectique et festive: hommage à Casals et Picasso (disparu en 1973)… deux Pablo pour La Paix, avec le récitant Didier Sandre; anniversaire Francis Poulenc (dont une conférence d'Harry Halbreich) et résidence Krzysztof Penderecki, fêté cette année pour ses 80 ans, avec cinq de ses pièces au programme, dont la création mondiale du Divertimento pour violoncelle par l'immense Arto Noras. On entendra également en création l'oeuvre de la compositrice coréenne Sae Ahm Kim, lauréate du Prix de composition du Festival de Prades 2013.

Pour l'heure, c'est le Wiener Piano Trio qui faisait l'ouverture avec une soirée viennoise dans la plus pure tradition. Réunis depuis plus de 20 ans, ces trois musiciens d'exception sillonnent le monde avec, à leur répertoire, l'intégrale des trios pour piano et cordes de Beethoven, Schubert, Brahms et Dvorak mais aussi Tchaikovsky, Ravel, Zemlinsky…

L'élan avec lequel ils abordent l'étonnant trio en do majeur n°43 de Haydn saisit d'emblée l'écoute et instaure aussitôt un équilibre idéal entre le piano et les deux instruments à cordes dans un premier mouvement d'une belle intensité. L'Andante traversé de violentes bourrasques acquiert une épaisseur dramatique tandis que le final pétillant fait circuler le rythme générateur avec une égale énergie d'un instrument à l'autre. Si les sonorités magnifiquement dosées des cordes (celles d'un Stradivarius de 1685 et d'un Guadagnini de 1752!) fusionnent sans problème, la délicatesse du jeu perlé de Stefan Mendl, nous faisant oublier la puissance du Steinway, ajoute à la transparence des textures et à l'extrême précision de l'articulation.

Le Trio n°6 op.70 n°2 est écrit par Beethoven en 1808, en même temps que ses Symphonies n°5 et 6. Il semble que le Maître de Bonn ait pensé au départ à une sonate pour piano. Conçu dans la transparence, sans grands effets de contrastes, ce Trio n'a pas de Scherzo mais un Cantabile faisant office de troisième mouvement. Beethoven y exerce son art du contrepoint (1er mouvement), de la variation (2ème mouvement) et du développement (jeu des figures sonores dans le Final) que le Wiener Piano Trio nous fait pénétrer avec la rigueur et la fluidité d'un jeu toujours très maîtrisé.

Le célèbrissime Trio n°2 en mib majeur de est davantage séduisant et accrocheur. Schubert écrit ses deux trios avec piano dans la dernière année de sa vie, y concentrant tout son art de l'expressivité et du chant intérieur dont plus d'un cinéaste saura tirer parti. Après un premier mouvement remarquablement conduit, le sublime Andante con moto avance au tempo idéal dans l'interprétation du Wiener Piano Trio; au départ, sur la matière ténue de l'accompagnement, le chant du violoncelle à fleur d'émotion est relayé par le piano avec la même délicatesse et une grande homogénéité de couleur. Le cheminement dramatique confère du relief et de l'intensité au discours mais sans débordement et avec une vigilance rare quant au timbre et à l'équilibre de l'ensemble. Le Scherzo est un trait d'union plutôt souriant, sollicitant l'écriture du canon, avant le dernier mouvement très facétieux et hanté par le chant de l'Andante; les trois interprètes très solidaires nous en faisaient suivre le parcours sinueux en détaillant toutes les facettes et les éclairages du discours schubertien.

Malgré les rappels successifs et sans céder au rituel du bis, refermait le piano sur les dernières résonances du Trio.

Crédits photographiques : © Nemo Perier Stefanovith

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