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Szymanowski à la russe avec Valery Gergiev

Il faut attendre nos années 2010 pour voir, enfin, l'œuvre du compositeur s'internationaliser au disque.

En effet, en dépit de quelques gravures de marque, à créditer à Antal Dorati (Symphonie n°1 et n°3 chez Decca) ou à Simon Rattle (concertos, symphonies et opéra pour EMI), les partitions orchestrales du Polonais restaient l'apanage des  chefs nationaux. En 2010, Pierre Boulez avait frappé un grand coup avec un superbe disque couplant la Symphonie n°3 et le Concerto pour violon n°1. Du côté de Londres, l'actualité discographique s'emballe : le jeune Edward Gardner grave, avec le BBC Symphony, un vaste programme de pièces de Szymanowski tandis que avait proposé à Londres et Paris, une double affiche Brahms/Szymanowski qui avait marqué les esprits.

Ce disque, reflet des concerts londoniens, est évidement bienvenu, d'autant plus, qu'au risque de choquer les amateurs d'un Szymanowski esthète des sons, le chef russe apporte à la musique du Polonais, toute sa rugosité éruptive. Dès les premières notes de la Symphonie n°3, le chef impose une tension lourde et une masse orchestrale puissamment charpentée et magmatique. On est loin, très loin, de l'acuité analytique d'un Pierre Boulez à Vienne ou des danses extatiques d'un Antal Dorati. Le , capté dans l'acoustique très mate et tranchante  du Barbican Center, offre un matériau instrumental toujours très impactant et aiguisé. Très concentré, Gergiev soigne sa vision, plus centrée sur les contrastes fauvistes que sur un esthétisme postimpressioniste savant.  La Symphonie n°4 est placée sous le signe du rythme.  et cherchent les symboles d'une modernité plus motorique et technique que purement instrumentale. On se plait ainsi à redécouvrir cette partition sous un jour inattendu, moins galbé et enjôlée que nombre de lectures.

Le Stabat Mater, l'un des « tubes » du compositeur avance dans une optique très acérée. Le geste du chef, bien secondé par des forces instrumentale et chorale, se veut presque monacal ascétique et même parfois un peu sec.  On regrette tout de même une équipe de chanteurs peu à son aise, en particulier la mezzo, qui peine à entrer dans l'esprit de cette musique.

En conclusion, on tient un disque fascinant, l'un des moins contestables de Gergiev, en dehors du répertoire russe. En matière de Szymanowski, la discographie est numériquement faible, mais qualitativement très haute avec les lectures de Pierre Boulez, Antal Dorati, Antoni Wit (Naxos), Kazimierz Kord (Accord) ou Karol Stryja (Marco Polo).  Il n'empêche, cette parution est à thésauriser.

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