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Festival Chopin à Nohant

La grange de la maison de à Nohant, aujourd'hui réaménagée et rebaptisée « Auditorium », accueille depuis près de 50 ans un festival de musique centré sur celle de Chopin et de la période romantique.

Le vendredi 18 juillet au soir, « Un salon chez Chopin ».
Un concert thématique avec la violoncelliste , la soprano , le pianiste et le co-directeur artistique du Festival et pianiste, . Avant le concert, Jean-Jacques Eigeldinger, spécialiste mondial de Chopin, résume l'esprit du salon de l'époque, donc le concept du concert : la présence de la voix féminine comme héritage des 17e et 18e siècles, alternance entre la voix (mélodies ou romances) et l'instrument (morceaux de bravoure), la convivialité et la connivence artistiques.

Le programme est par conséquent éclectique : Variations sur un thème de Moore (Carnaval de Venise) de Chopin et Grande sonate op. 47 de (1794-1870), tous deux pour piano à quatre mains, et Grand duo concertant sur des thèmes de Robert le diable pour violoncelle et piano coécrit par Chopin et Auguste-Joseph Franchomme (1808-1884), un des plus grands violoncellistes de l'époque. A travers les Variations, œuvre de jeunesse, Chopin essaie une écriture équilibrée avec une certaine épaisseur sonore, mais n'y réussit que maladroitement, malgré sa virtuosité brillante qui lui est propre. , tenant la partie aigüe de la partition, rend évident cette virtuosité qui transcende la faiblesse de l'écriture. Pour la Grande Sonate de Moscheles, pianiste à la technique « acrobatique » qui se rivalisait avec Liszt, c'est la rareté qui prévaut. Ici aussi la virtuosité est spectaculaire, et grand bravo à nos pianistes qui savent valoriser des épisodes pittoresques de la pièce sans la laisser tomber au même niveau que son inspiration, qui est, nous devons le dire, assez médiocre.

La soprano irlandaise chante « Ah ! non credea mirarti » de Bellini (La Somnanbule) et « Regnava nel silenzio » de Donizetti (Lucia di Lammermoor) ainsi que Lorelei de Liszt. Sa voix limpide et naturelle, légère comme de l'air et puissamment dramatique selon les partitions, se superpose à l'image de Pauline Viardot, grande diva du 19e siècle, dont fera l'objet d'une conférence, le lendemain, par Patrick Barbier. Accompagnée par F. Dumont, avec qui la connivence est parfaite, elle s'exprime avec grande liberté, dans un choix judicieux du tempo à chaque moment de la partition. , dans l'Introduction et polonaise brillante de Chopin et le Grand Duo de Chopin/Franchomme (avec au piano), montre surtout son sens pour la mélodique et le phrasé ; avec plus de précision dans des détails (hauteur de la note, tendance à laisser aller certains passages…), elle séduira davantage les oreilles des mélomanes les plus avertis.

Le samedi 19 juillet à 18 heures dans le jardin (nord) de la Maison de , une lecture-concert, grande tradition du Festival, est proposée par la comédienne Maud Rayer et .
Il s'agit de La Daniella (1857) de , texte peu connu, où la femme-écrivain livre un récit dans la peau d'un jeune peintre visitant l'Italie. L'accentuation, l'intonation, la diction, le ton de la voix, imaginées par la comédienne, accompagné de regards et de gestes appropriés, rend le texte extrêmement vivant, évoquant notamment des paysages vivifiants. Le Pleyel droit acheté par Sand en 1849 (soit 3 ans après le départ de Chopin des lieux) qui n'a pas été entretenu pour un concert, et sa sonorisation – même si celle-ci est obligée pour quelque 400 spectateurs rassemblés dans le jardin – donnent l'impression de monotonie dans la musique, modifiant beaucoup le caractère de salon, d'autant qu'une certaine distance sépare la comédienne du pianiste qui ne facilite pas un contact adéquat…

Le soir, se tient à la grange, à guichet fermé, un récital d', dans un programme Chopin (Sonate n° 2, Nocturne op. 48 n° 1) et Liszt (Mephisto-Valse et Sonate). L'acoustique assez sèche de la salle accentue le forte très énergique du pianiste, pour lequel il faut un peu de temps à s'y habituer. Le choix de tempos, l'une des originalités connues du pianiste, ne trahit pas sa réputation, par exemple dans une allure assez rapide pour la « marche funèbre » mais extrêmement large pour la partie médiane du même mouvement. Dans Liszt, sa musique se dilate et se rétrécie plus que dans Chopin, allant de l'extrême à l'autre aussi bien sur le plan du tempo que sur celui du dynamique. En entendant son interprétation, qui ne plaît pas à tout le monde, nous nous posons encore et toujours cette question : quel est l'équilibre entre l'expression de soi qui se traduit parfois par une extravagance, et l'interprétation qui plaît et qui touche son auditeur ? Chacun de son récital est une bonne occasion de se pencher sur cette question fondamentale qui n'aura jamais de réponse fixe.

Le dimanche 20 à 16 heures, la pianiste américaine d'origine russe donne une prestation tout à fait digne, en interprétant les deux Concertos de Chopin version quatuor à cordes avec le . Le jeu de Paremski est délicat, raffiné, soigné, attentionné et inspiré, notamment dans les mouvements lents, mais dans les tutti comme la fin de chaque section des mouvements rapides, elle souligne davantage les aspects robustes. Le « accompagne » (c'est bien le mot) la pianiste pour un meilleur rendu des expressions au clavier.

Aux concerts du Festival s'ajoute le plaisir de visiter l'exposition « Le Salon de George Sand » actuellement en cours dans la Maison de Sand, où sont réunis des portraits d'artistes et écrivains contemporains, qui évoquent l'entourage de Sand et de Chopin.

Crédit photographique : Concert « Un salon chez Chopin » ; au concert-lecture © DR

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