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La mélancolie Pergolèse à Quimper avec Martin Gester

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Quimper. Cathédrale Saint-Corentin. Semaines musicales de Quimper. 11-VIII-2014. Joseph Haydn ( 1732-1809) : Maria Quaerit filium ; Giuseppe Sammartini (1695-1750) : Concerto opus 5 n°6 ; Giovanni Battista Pergolesi (1710-1736) : Stabat mater. Avec : Dorothée Leclair ; Guillemette Laurens. Le Parlement de Musique, direction : Martin Gester.

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!cid_F0E2412C-B08E-445E-8F4F-1C8A93923522@homePour leur 36ème édition, les Semaines musicales de Quimper ont proposé, du 5 au 19 août, 9 concerts éclatés dans les « lieux magiques » de cette très jolie ville du bout de la France. Le lundi 11, c'est de qui se produit à la Cathédrale Saint-Corentin en compagnie de Haydn, Sammartini et Pergolèse.

Depuis 1990, l'on a appris à connaître par le biais de ses fréquentes échappées en concert hors de Strasbourg qui le vit naître, mais aussi des enregistrements ( le plus souvent défricheurs : de rares Vivaldi, d'inconnus Scarlatti…) qui ont ponctué sa trajectoire.
On retrouve bien, dans la première partie de la soirée, la face quelque peu austère que l'on a parfois dénoté dans des exécutions passées, loin du vibrionnisme forcément plus spectaculaire des stars baroques du moment. Plus sage que les Rousset, Minkowski, Pichon, et même des augustes Christie ou Harnoncourt, Gester creuse une autre geste : tranquille, exigeante, voire luthérienne.

C'est placer d'emblée la barre très haut pour un public qui sort de la plage que d'ouvrir un programme au demeurant fort cohérent (Il Pianto di Maria), en proposant un contrefactum ( il s'agit de la substitution d'un texte par un autre sans modification substantielle de la musique) de la Cantate que composa en 1789 Arianna a Naxos. Haydn, hormis la sensationnelle Création, les merveilleuses Saisons, ou les bouleversantes Sept dernières paroles du Christ en croix, ne jouit jamais d'un engouement acquis pour plus d'un auditeur. Arianna a Naxos est pourtant une belle œuvre, qui va jusqu'à effleurer dans sa deuxième partie le Porgi amor de l'autrement plus populaire Comtesse mozartienne. Destinée à être entendue à l'Ospedale dei Mendicanti durant la Semaine Sainte et rebaptisée ici Maria quaerit Filium par un auteur anonyme qui a plaqué sur la partition du grand Joseph, un texte latin, l'attente désespérée de Thésée par Ariane devient ainsi une Cantate de la Passion évoquant la douleur tout aussi intense de Marie au pied de la Croix.

SEMAINESMUSICALESLa soprano colorature Dorothée Leclair affronte cette émouvante partition avec une telle concentration qu'il faut un peu de temps pour saisir toutes les subtilités d'une exécution que l'on pense un instant trop confidentielle, trop personnelle. La voix est belle, mais, peut-être trop policée, trop rentrée dans le bas medium, elle semble manquer de projection pour vraiment toucher les derniers rangs du fond de la nef. Très concernée, la chanteuse met du temps à se libérer. Ce qu'elle parvient à faire peu à peu, envoyant la dernière des quatre parties de l'oeuvre avec un bel éclat. Au final, bien qu'un peu confidentielle, c'est néanmoins une interprétation émouvante, bien en phase avec l'accompagnement rigoureux d'un Parlement de Musique tout au service du texte et de l'exigeante musique qu'il défend.

Le Concerto opus 5 n°6 de Giuseppe Sammartini qui suit, bien qu'impeccablement exécuté par le Parlement, peine à emballer et l'on se dit que les commentaires mitigés échangés à l'entracte auraient été tout autres si cette oeuvre qui ne dérange ni ne passionne avait ouvert le concert. Bien que Sammartini fût l'un des musiciens les plus célèbres de son époque, qu'il fût l'un des créateurs de la symphonie classique, qu'il eut même Christoph Willibald Gluck pour élève, la matière musicale de son concerto brille d'une lumière bien pâle dans le pléthorique corpus instrumental autrement plus inspiré des ancêtres Vivaldi et Corelli.

Mais c'est pour le Stabat Mater de Pergolèse que le public s'est déplacé en masse ce soir dans l'immense nef de la Cathédrale Saint-Corentin. Composée en 1736 pour 2 voix féminines (et pas des castrats comme on le croit parfois), c'est là la dernière oeuvre d'un compositeur de 26 ans qui devait s'éteindre 2 mois plus tard. S'appuyant sur le destin brisé du jeune Pergolèse, Thierry Laubat, le Directeur artistique de la manifestation (et par ailleurs lui-même compositeur), a la judicieuse idée de rappeler, combien, en ce difficile début de XXIème siècle, il faut prendre soin des artistes… A l'instar du Requiem de Fauré, et de même durée que ce dernier, le Stabat Mater de Pergolèse a acquis aujourd'hui une célébrité justifiée. On ne se lasse pas de la profondeur inspirée de ce puits de mélancolie. Ni de ses 40 minutes de tubes qui filent à toute allure. L'œuvre convient parfaitement au Parlement de musique en petite formation depuis le début du concert (2 violons, un alto un continuo, ainsi que l'a conçu Pergolèse, le tout dirigé du positif par soi-même.) Justesse des tempi, plutôt allants, gestion recueillie des silences suspendus, des enchaînements. A s'est jointe Guillemette Laurens. Cette magnifique artiste à la voix intacte (science des piani filés, impeccabilité des nombreux grupetti, chaleur constante du timbre) va élever le niveau de la soirée à un degré d'émotion pénétrant. De surcroît délestée de toute velléité de rivalité, Guillemette Laurens couve sa jeune collègue d'une attention de chaque instant, ne l'écrasant jamais du haut de sa propre renommée. Magnifique leçon d'écoute mutuelle des deux chanteuses. Mémorable interprétation. Quand s'éteint l'Amen conclusif des 13 numéros si inspirés de Pergolèse, le triomphe qui est fait à cette exécution dit de belle façon que l'on ne vient pas d'assister à un Stabat Mater de plus, mais à une soirée que l'on n'oubliera pas, dans la nef bleutée subtilement éclairée d'une douce lumière de lune de la Cathédrale Saint-Corentin, au cœur de cette belle ville du bout de la France.

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