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Les Contes d’Hoffmann à Rouen : une véritable déception

Est-il crédible, de nos jours, de proposer sur scène la version Choudens de 1907 des Contes d'Hoffmann ? Est-il possible de se réclamer de celle-ci, en remplaçant de plus les récitatifs chantés par des textes parlés, et en y rajoutant bizarrement l'air de Nicklausse  « vois sous l'archet frémissant » ?

L'œuvre ultime d'Offenbach a supporté bien d'autres tripatouillages, et on n'est plus à cela près. Tout au plus regrette-t-on la suppression de beaucoup de belle musique, et fredonne-t-on dans sa tête des mélodies connues en entendant des textes parlés (forts bien dits, au demeurant).

En fait, la trahison est ailleurs. Les travaux de Fritz Oeser, Jean-Christophe Keck et Michaël Kayes, outre de rétablir la vérité musicologique autant que faire se peut, ont dessiné un portrait psychologique d'Hoffmann des plus complets, et des plus intéressants. Or, cette version ultra-courte (3 heures 10, en comptant l'entracte) et la mise en scène au premier degré de se contentent gentiment de raconter une histoire plus ou moins amusante, sans rien révéler de la profondeur, la fêlure intime, la fragilité du héros principal, et de son épopée à la recherche de l'amour. Les costumes, plutôt années '50, n'ont d'autres fonctions que de faire ressembler l'héroïne à Maria Callas. Les décors, placés sous le signe du rideau de théâtre, celui de l'Opéra Garnier, décliné dans toutes ses formes, et de la clé omniprésente qui emprisonne la femme aimée, sont minimalistes. On a chargé les choristes (excellent Chœur , à la fois scéniquement et musicalement) de meubler l'action, de façon gratuite et parfois superfétatoire (les poupées-zombies de l'acte d'Olympia !) Tout cela forme-t-il un concept, une unité, dans une œuvre si disparate ? Malgré quelques idées fulgurantes, il semble bien que non. On peine dès lors à s'intéresser à ce qui se passe sur scène.

Est-ce ce qui a empêché , qu'on a tant aimé ailleurs, dans le même rôle, de libérer sa voix ? Les aigus sont toujours aussi vaillants, la prononciation parfaite, mais le timbre fait montre d'une certaine grisaille, et l'incarnation n'exprime rien. Quelle énorme déception!

Faut-il confier les quatre rôles féminins à la même cantatrice ? Le débat fait rage depuis des années. On serait tentée de dire que tout dépend de la chanteuse. est une fort jolie femme, agréable à regarder, et portant bien la toilette. Elle est de plus excellente actrice et se tire fort bien des postures délicates dans lesquelles la mise en scène la situe parfois. Le timbre est charmant et l'aigu facile. Cependant elle manque de puissance et de métal dans la voix, ce qui en fait une Antonia correcte, mais qui est rédhibitoire à la fois pour Olympia et Giulie©tta, pour des raisons différentes.

On se refuse à dire le moindre mot sur les consternants Nicklausse, Spalanzani, Nathanaël et Hermann, on reconnaîtra en revanche les mérites de , et . Carlos Natale, dans les rôles des quatre valets, irrite, avec un accent à couper au couteau et plus près de « la cage aux folles » que de l'esprit d'Offenbach. La satisfaction de la soirée reste la prestation de , diable de belle tenue, de style élégant et bon diseur, mis à part quelques aigus tirés.

Sous la direction de , l'Orchestre de l'Opéra de Rouen Haute-Normandie est plus que correct.

Crédit photographique : © F. Carnuccini 

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