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Maudite soit la guerre avec l’ensemble 2e2m

J'accuse:  c'est le titre du film d' que la Cité de la Musique présentait le week-end dernier à la Salle Pleyel avec la musique originale de Philippe Schöller; c'est aussi le message prémonitoire de Maudite soit la guerre du réalisateur Alfred Machin qui était projeté sur l'écran de l'Amphithéâtre de la Cité de la Musique quelques jours après.

L' sous la direction de son chef jouait en direct et en création la « bande son » conçue cette fois par la compositrice autrichienne .

Maudite soit la guerre est une prophétie, l'oeuvre d'un visionnaire écrite trois mois avant la déclaration de guerre en juin 1914. Ancien sous-officier reconverti dans le monde de l'image, Alfred Machin, engagé par la firme Pathé-Belge-Cinéma, est au faîte de sa carrière lorsqu'il réalise son film qui bénéficie de moyens tout à fait exceptionnels (voitures, avions, zeppelins, bataillons de fantassins…) pour une mise en scène grandiose à l'époque.

Plaidoyer pacifiste passé durant les derniers jours de paix de l'été 1914, le film, peint à la main sur la pellicule, n'aura guère de répercussion en cette période agitée; il bénéficie aujourd'hui d'une nouvelle restauration effectuée par la Cinémathèque Royale de Belgique et EYE Filmmuseum Amsterdam qui nous permet d'en apprécier pleinement la qualité singulière et la modernité du montage.

Dénonçant l'absurdité des combats et l'horreur de leurs conséquences, le film muet met en scène Lidia Modzel, soeur de Sigismond et fiancée de son ami Adolphe Hardeff, originaire d'un pays voisin. A la déclaration de guerre, les deux hommes se retrouvent officiellement ennemis et vont s'entretuer lors de l'assaut contre le moulin où s'était réfugié Hardeff. Dans le regard de Lidia qui quitte le monde en se réfugiant au couvent, se lit la monstruosité d'une « sale guerre » dont elle ne sera pas la seule à faire les frais.

Le cinéma est un univers familier pour qui a fait des études sur la temporalité du montage dont elle adopte très souvent les techniques spécifiques dans sa musique. Consciente du danger qu'il y aurait à fixer de trop près les images, la compositrice réussit l'alliance de l'oeil et de l'oreille par le biais d'un travail subtil entre défilement cinématographique et flux sonore; sans jamais saturer l'attention du spectateur, la « bande son » est toujours présente et vivante; elle rehausse les premières scènes du film avec les sonorités d'un « piano bastringue » – le synthétiseur de Véronique Briel -, étire le temps de certaines séquences – celle du moulin – pour laisser opérer la violence des images ou crée la distanciation par la singularité du timbre instrumental ou le profil d'un motif décalé.

Les neuf instruments, incluant la guitare électrique de Didier Aschour, servent une écriture toujours inventive et très ciselée dont la richesse des textures était particulièrement bien rendue par des musiciens et un chef admirablement concentrés, au sein d'une prestation des plus exigeantes.

Des couleurs flamboyantes

Le ciné-concert était précédé par la création mondiale de Stelfer – reflets en verlan – pour petit ensemble, de la compositrice polonaise : « Le reflet a plus d'importance que l'image originelle » nous dit la compositrice qui nous invite à « observer » les variations/métamorphoses d'une image sonore sous l'effet d'un lent processus de filtrage et distorsion entretenu jusqu'à l'éclatement de la matière sonore: une dramaturgie engendrant une écriture instrumentale très élaborée, quasi virtuose pour les cordes et la percussion – Alain Huteau très réactif -, qui contribue avec la guitare électrique à une fusion des timbres très impressionnante. L'énergie déployée dans la dernière phase de l'oeuvre s'accompagne de l'assaut des cuivres dans des couleurs flamboyantes que l'on devait à l'engagement des musiciens et à la merveilleuse synergie de l'ensemble sous la direction de .

 

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