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Rameau en grâce avec Sandrine Piau et Christophe Rousset

L'opéra Zaïs de Rameau, en version de concert, triomphe à l'Opéra royal de Versailles.

Zaïs n'est pas l'opéra de Rameau le mieux traité par notre temps : très rarement joué, représenté au disque par un seul enregistrement non sans qualités (Gustav Leonhardt hors de son territoire naturel !), mais plombé par sa distribution féminine et du reste introuvable, il témoigne pourtant admirablement de la capacité de Rameau à renouveler le théâtre lyrique en expérimentant sur la forme comme sur le fond. Certes, le genre de la « pastorale héroïque » n'est pas de nature à susciter des drames particulièrement aboutis, et le livret de Louis de Cahusac est d'une minceur narrative difficilement excusable ; pourtant, au-delà du charme irrésistible de l'orchestre ramiste, Zaïs se présente comme une œuvre de son temps, tout nourri des débats des philosophes autour des thèmes de la sensation et du bonheur ; et, si les situations dramatiques sont au-delà de toute crédibilité, il y a par exemple dans la longue scène où Zélidie se livre à sa douleur en écho avec le chœur (acte III, scènes 2-4) une monumentalité proche de l'oratorio – ou, si on veut anticiper, de Gluck – qui ne laisse pas d'impressionner.

On ne pouvait que se réjouir, par conséquent, que l'œuvre soit enfin montée au concert et qu'elle le soit par l'un des plus grands spécialistes de Rameau, , à travers une tournée de 4 dates. L'étape versaillaise, semble-t-il support de la future édition CD, a une supériorité difficilement contestable sur les précédentes en la personne de : ce n'est pas une surprise, sans doute, mais on ne peut qu'être saisi par l'absolue maîtrise de tous les enjeux de la partition, du point de vue technique, stylistique, dramatique, émotionnel. Chaque phrase est une leçon, et c'est d'autant plus précieux et remarquable que, comme à son habitude, son interprétation nourrie de l'intérieure est vierge de toute affectation, de toute volonté démonstrative.

La distribution autour d'elle est d'une solide efficacité, hors la voix ingrate et approximative de Zachary Wilders. n'a peut-être pas la lumière ambiguë du haute-contre français, mais il se déplace avec aisance dans la tessiture du rôle, et s'il manque un peu de variété, il ne manque pas d'engagement. Les deux basses, surtout , sont remarquables, de même qu' dans différents petits rôles secondaires. Mais c'est naturellement l'orchestre de Rousset qui, aux côtés de sa soprano d'élite, fait l'événement de ce concert, avec une chaleur toujours au service de l'avancée dramatique. Il est si simple de restituer la beauté orchestrale de Rameau quand on renonce à créer une continuité ; Rousset, lui, sait allier splendeur des timbres, délicatesse rhétorique et ductilité théâtrale. Et Rameau, à Versailles du moins (guère à Paris !), triomphe en son anniversaire.

Crédit photographique : © Sandrine Expilly/Naïve

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