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Ciné-Concert du Nouvel An à Besançon 

Pour le ciné- concert du Nouvel An, Les Lumières de la ville de Charlie Chaplin brillaient de mille feux.

L'exercice est presque devenu à la mode : convier un orchestre symphonique classique afin d'accompagner en live un film muet. Le ciné-concert, ou plus généralement la musique de film, bien que fort souvent considérée à tort comme simplement illustrative, relève pourtant de la haute voltige artistique. Quand on se remémore Eisenstein travaillant main dans la main avec un Prokofiev penché sur les bobines du cinéaste afin d'effectuer un collage au millimètre entre les images et la musique, on se dit qu'aucune imprécision d'exécution ne sera permise. Comme à l'opéra, le chef fera tout, cordon ombilical vital entre des musiciens qui ne voient rien et un film qui ne demande qu'une chose : continuer tout seul, sans s'arrêter.

Dans le cas Chaplin, deux éléments supplémentaires entrent en ligne de compte : d'une part le réalisateur du film est l'auteur de la musique. Non pas en technicien issu des grandes écoles de composition mais en tant qu'amateur génial accouchant d'airs qui passeront après entre les mains des musiciens professionnels. On pense à Gurdjieff récoltant de mélodies au travers de ses voyages et confiant celles-ci à Hartmann pour leur donner une seconde vie harmonique. D'autre part, l'extrême justesse que l'on demandera au chef d'orchestre se verra décuplée par la précision incroyable de scènes conçues comme des ballets : scènes de bal, scènes de fête, scènes de bataille, le sommet étant le fameux combat de boxe, dont la musique va si bien souligner la danse tragi-comique. Ce sera d'ailleurs sans doute ces moments que l'on retiendra dans ce film, davantage que les scènes relatives à la jeune fille, prétexte à toute l'histoire, mais moments filmiques qui ont sans doute le plus vieillis – comme dans l'ensemble de l'œuvre chaplinesque dès qu'il devient fleur bleue.

Pour un quatrième concert du Nouvel An devenu rituel, l' en grande forme retrouvait la plus grande salle de la région, Micropolis. Cet ensemble avait déjà donné en 2012 Les Temps Modernes, et n'en était pas à son coup d'essai en la matière. La coordination et l'anticipation furent parfaites, aidé d'un écran accroché à son pupitre réalisant là pour notre plus grand plaisir la mixture idoine image/son.

A l'ère du tout numérique, des superproductions, du 16/9, des écrans plats, du modernisme technologique à outrance, aller voir un film muet en 4/3 sous-titré accompagné par un grand orchestre comme à l'époque et réussir à faire rire des milliers de personnes sur les trois représentations données n'est plus une gageure : c'est un camouflet artistique.

Photos : © Roy Export Compagny SAS
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