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Benjamin de la Fuente hausse le ton avec On Fire


Dans le cadre du festival Présences, et toujours avec les forces du « Philhar », le second concert d'orchestre, passionnant, offrait au public du « 104 » une soirée tout en contrastes, tant sur le plan des effectifs que de l'écriture. Autre chef vénézuélien, formé à la même école que José Manuel López (cf. notre chronique), prêtait son geste précis et efficace à un programme des plus exigeants.

Cold du compositeur américain relève du courant minimaliste – un seul accord pour toute la pièce – et n'est pas sans évoquer son compatriote Charles Ives. Il y a de l'humour, de la finesse et de l'efficacité dans le processus à évolution lente qu'il met à l'oeuvre, du frisson originel à la saturation d'un espace traversé de spasmes inquiétants : sans doute est-ce l'avis de la tempête force 10 qui va ensuite balayer le plateau avec On fire de , donné en création mondiale. Cette pièce incandescente est écrite sur un texte de Malcom X s'adressant au peuple noir pour l'inciter à la révolution. Sur scène, aux côtés d'un orchestre lacérant l'espace, le pianiste et la « speakerine » italienne Piera Formenti engagent la lutte. Dans un haut-débit rageur qui ne tarira jamais, la voix de la jeune femme est amplifiée, voire déformée pour simuler ses interlocuteurs. Elle harangue la foule et « mitraille » son texte avec une énergie et un débit vocal inouï, défiant l'excès de son des forces instrumentales. La partie éruptive de piano contre, quant à elle, les assauts de l'orchestre dans des interventions spectaculaires. L'oeuvre « coup de poing » laisse sans voix !

Vient ensuite l'embellie avec What Are Years pour soprano et ensemble de chambre d', cinq poèmes de Marianne Moore que le compositeur américain met en musique alors qu'il fête ses…100 ans! La ligne vocale est souveraine au sein d'une écriture orchestrale fluide et finement ciselée, dans un raffinement des timbres et un équilibre toujours bien senti entre les forces en présence. La soprano exerce une telle fascination qu'on en oublierait l'orchestre qui l'accompagne. La voix souple et lumineuse se déploie dans tous les registres avec une parfaite homogénéité, sans renier la puissance et la clarté d'élocution. Elle habite le texte et en souligne le relief dramaturgique avec un naturel confondant.

L'émotion est vive à l'écoute de la dernière pièce du concert, écrite en 2006 par le regretté Luis-Fernando Rizo-Salom. Agité à très agité, l'orchestre de Fábulas sobre Fábrica de Fábulas procède par vagues mouvantes. Trois pupitres de percussions cernent ici l'ensemble instrumental. Comme dans sa première pièce Fábrica de Fábulas, le compositeur s'attache à l'écriture de l'harmonie-timbre et à ses déploiements spatiaux avec un geste audacieux et un souffle puissant qui parcourt tout le plateau. et l'orchestre en synergie font naître des couleurs somptueuses et gorgent de vitalité la musique du jeune compositeur disparu.

Crédits photographiques : © Craig T. Mathew

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