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Hélène et sa compagnie au jeu de l’art vidéo

15 ans après la version inoubliable de Marc Minkowski-Laurent Pelly avec Félicity Lott (2001), le théâtre du Châtelet présente La Belle Hélène dans une mise en scène jubilatoire avec vidéo.

Le vidéaste , réputé pour l'originalité de son œuvre, et le metteur en scène , pour qui la vidéo constitue un atout majeur, renouvellent leur aventure au Châtelet après La pietra del paragone de Rossini en 2007 (reprise en 2014). Le principe reste le même : aux deux extrémités de la scène, les dispositifs de décors en miniature sont installés les uns après les autres, filmés et projetés en direct, en y associant les images de chanteurs qui évoluent au milieu de la scène, également filmés en direct. Ce qui diffère par rapport à l'expérience de Rossini, ce sont les mouvements de masse, représentés par le chœur, conçus essentiellement pour être vus sur la scène. Il y a donc superposition de deux niveaux de spatialisation, sur l'écran et sur les planches, qui donnent plus de dynamisme visuel. Cette mise en scène, ainsi que les costumes « antiques » (avec de nombreux clichés de types Astérix), jouent très volontairement avec l'anachronisme : l'entrée de chaque roi, « Voici les rois de la Grèce » (Acte I), est plaquée sur l'image d'une quelconque famille royale au balcon de son palais ; la fameuse scène de charade et de bouts rimés – même si le procédé est fréquemment utilisé – est comme un jeu télévisé avec de gros boutons-gyrophares. Cet anachronisme est particulièrement réussi pour le départ d'un personnage à la fin de chaque acte : Ménélas part en Crète en avion à hélice, Pâris à Troie en moto, et Hélène et Pâris à Cythère en bateau à moteur. Le clin d'œil sur la perception sociale actuelle n'est pas oublié, avec le jeu de mot « Je suis gai » dans l'acte III qui met en avant une chorégraphie et maquillage (et le costume féminin de Pâris) clairement « gay ».

Sur le plan vocal, il faut avant tout citer la performance de qui, en plus de sa réputation dans le sphère baroque, est plus qu'excellente en tant qu'Hélène, rôle qu'elle a déjà chanté en décembre 2012 à Toulouse. Bacchis (la suivante d'Hélène) est tenue par la convaincante qui a, de surcroît, une très belle présence scénique. , , Mark von Arsdale, et forment une bande des rois, bêtes à volonté par leur jeu d'acteurs, où chacun est vocalement très engagé. Le contre-ténor réussit brillamment son personnage d'Oreste, même si par moment sa voix se fait un peu criarde ; le fait que ce rôle ne soit pas tenu par une chanteuse donne, semble-t-il, davantage de possibilités à la mise en scène. En Pâris, , ténor natif d'Istanbul, a une diction du français correcte, mais une petite inattention suffit pour que cette qualité se dégrade rapidement. Son timbre « argenté », un peu nasal, change de couleur dans les aigus où il donne l'impression de crispation. fait démonstration de tout un savoir-faire, musical et comique, ainsi que de sa jeunesse réjouissante en chantant Calchas.

Le chœur du Châtelet, qui se montrait assez disparate et hétérogène au début, gagne progressivement en assurance et à la fin, cette faiblesse se fait presque oublier. L' ne propose pas une prouesse de haut vol, mais sous la baguette de , se fond idéalement dans l'ensemble de la représentation, ce qui est à notre sens essentiel pour un opéra-bouffe.

Crédits photos : Départ pour Crète ; © Théâtre du Châtelet – Marie-Noëlle Robert

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