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Le Tremplin Talents des Concerts d’Esther

Deuxième édition du « Tremplin Talents » des Concerts d'Esther, qui a révélé, l'année dernière, un certain Lucas Debargue (4e prix de piano au Concours Tchaïkovski à Moscou cet été), propose, cette année encore, des perles cachées qui vont sûrement briller de tout leur éclat dans les années à venir.

Les concerts de cette année étaient parrainés par le pianiste , qui a joué la Fantaisie de Schubert à quatre mains avec son fils Paolo le 26 septembre à 20 heures, avant de laisser ce dernier en solo dans la Sonatine de Ravel, un Prélude et un Scherzo de Chopin, En rêve et la Vallée d'Obermann de Liszt et un Nocturne de Fauré. Auparavant, quatre jeunes espoirs – la pianiste Esther Assuide qui a gagné en ampleur, la violoniste de 16 ans dotée d'une grande musicalité, , accordéoniste au talent affirmé et le très élégant à la harpe – offrent, chacun, deux pièces en guise d'amuse-bouches pour ce marathon en six concerts.

Le dimanche 27 septembre, ouvre le bal à midi avec, notamment, des Sonates de Scarlatti qu'elle joue avec beaucoup de sensibilité et le deuxième cahier d'Iberia d'Albéniz, où elle explore ses couleurs sonores « bouillonnantes ».

Ensuite, à 14 heures, c'est une véritable révélation : les frères Bouclier, Julien au violon et Dimitri à l'accordéon, qui ont effectué tous deux leurs études musicales en Suisse, jouent en parfaite communion l'un avec l'autre et avec la musique. Dimitri, surtout, est totalement habité, voire « possédé » par la musique, faisant réellement corps avec son instrument ; les mélodies et les harmonies qu'il fait naître sont si naturelles et si profondes que ceux qui l'entendent croiraient même à une incarnation de la Muse, et nos lecteurs peuvent nous faire entièrement confiance quant à cette expression consacrée. Il nous fait connaître une œuvre intitulée Goulag, pour accordéon solo, de (né en 1936) qui relate la vie dans un camp en Sibérie. Elle se compose de quatre mouvements : « Arrivée en Sibérie », « Tentative d'évasion », « Travaux forcés » et « Combat quotidien des prisonniers ». Tous poignants, introduisant des bruits de vent et des accords dissonants, mais restant dans le cadre tonal (bi- et polytonal), dont l'interprétation atteint une virtuosité de haute volée et une musicalité hors norme. Toutes les pièces du programme sont arrangées par les soins des deux frères, qui révèlent ainsi leur excellence dans l'art de transcription. Ce sont deux « véritables » musiciens et nous devons nous réjouir qu'une telle combinaison d'instruments, souvent reléguée dans la catégorie de la musique folklorique (et à laquelle on attache une importance moindre par rapport à la musique savante), nous entraîne aussi loin dans l'art musical en nous invitant à un voyage si intense.

L'avant-dernier concert est assuré par , né à Paris en 1995, premier violon solo de l'Orchestre Divan West-Eastern dirigé par Daniel Barenboim, et Marion Platero, violoncelliste dynamique et énergique. Tous deux possèdent une sonorité propre, riche et large ; en duo, cela se traduit par une certaine tendance à la confrontation frontale, au détriment d'une harmonie partagée (Duo de Beethoven et Passacaille de Haendel/Halvorsen). En revanche, ils sont plus inventifs et expressifs en solo ; l'interprétation de la Suite de Cassado par Marion Platero est à couper le souffle, le Caprice n° 9 de Paganini par brille par sa virtuosité toute simple.

Enfin, le pianiste (révélation classique de l'ADAMI) et l'altiste (premier alto solo à l'Orchestre philharmonique royal de Liège) interprètent une Sonate de Brahms, l'Adagio et Allegro de Schumann et les Konzertstücke d'Enesco. relate brièvement et avec drôlerie le contexte de la composition de chaque pièce, avant de nous la livrer dans un jeu vif, tonique et lyrique, avec la complicité des mains sûres de .

La violoniste apparaît à deux reprises, d'abord à 12 heures puis au concert final, dans les extraits de Quatre pièces de Suk avec et dans la première Ballade de Chopin, transcrite par Eugène Ysaÿe, avec . Cette partition rare – dont l'écriture met souvent l'accent sur la technicité violonistique mais dont les dialogues avec le piano ne sont pas toujours très réussis – est rehaussée par la fraîcheur juvénile des musiciens.

Crédits photographiques : Frères Bouclier © DR ; et © DR

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