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Les essentiels de Matthias Pintscher

La première gravure discographique de en tant que directeur musical de l' fait partie des grands évènements discographiques de cet automne 2015.

Compositeur talentueux et chef d'orchestre doué, Pintscher assure depuis 2013 la direction musicale de la prestigieuse phalange parisienne, en présentant certains concepts forts, comme les concerts « Le Grand Soir », où la salle de la Philharmonie 2 (ex Cité de la Musique) se trouve plongée de 20h à plus de minuit dans un bain de musique quasi-continu.

Autre grand axe de ce début de l'ère Pintscher, la mise en avant des « classiques » du répertoire moderne, afin que l'Intercontemporain puisse également programmer certains grands jalons du XXe siècle, socle commun et fondateur de toutes les créations défendues vigoureusement par l'Ensemble. Le double CD paru aujourd'hui chez Alpha Classics se trouve directement dans cet esprit : Présenter au travers d'œuvres majeures de et , un certain parcours que l'on pourrait présenter comme « les essentiels » de (lui-même disciple de nombreux musiciens hongrois).

La première galette du coffret, consacrée à , fait entendre les musiciens de l'Ensemble au sein de formations chambristes, dans deux chef-d'œuvres du Maître hongrois : Contrastes (1938) et la célèbre Sonate pour deux pianos et percussions (1937). Bien qu'en formation de chambre, le son de l'EIC est là, dominé par une évidente clarté et lisibilité du propos. Toutefois, il est fort dommage de ne pas entendre plus de vie intérieure, de vigueur rafraîchissante (finale de la Sonate pour deux pianos et percussions), dans ces pages si frémissantes et bouillonnantes. On est trop souvent ici face à un motorisme puissant qui ne connait pour ainsi dire ni le répit ni la légèreté, au sein d'un univers trop uniforme (Sonate)… Malgré un des grands jours tenant presque à lui seul la jubilation des Contrastes,  et une musique nocturne (mouvement central de la Sonate) aux allures d'errance fantomatique, ce volume Bartók ne nous convainc guère.

Le second disque de ce coffret contient quant à lui trois concertos de , devenus des incontournables de la musique contemporaine : les concertos pour piano, pour violoncelle, et pour violon. Empoigné avec conviction mais sans trop de reliefs par Hidéki Nagano, le Concerto pour piano (1988) magnifie en revanche les timbres graciles de l'EIC, conduits de main de maître par . L'Ensemble nous emmène par la suite dans les contrées méditatives du Concerto pour violoncelle (1966), œuvre archétypale de la période dite « occidentale » du compositeur. Dans cette œuvre, le violoncelle du mythique se fond en une coulée à la fois volcanique et minérale, mêlé à un orchestre qui semble figurer ici un petit ensemble tant la cohésion entre les pupitres est importante. Placé en fin de programme, le Concerto pour violon (1992 – véritable joyau de la dernière période créatrice du compositeur, et déjà enregistré par l'Ensemble en 2001) fait figure de morceau de choix au sein de ce riche programme : en effet, le violon intense de se fraie un chemin au sein de cette œuvre labyrinthique, en évitant ses écueils (un « Aria, hoquetus, choral et andante » sans pathos, une cadence finale quasi-intériorisée), tout en en magnifiant ses climats les plus éthérés (début du « Vivace luminoso »), ou en faisant ressortir les arêtes saillantes de ses contrastes lumineux (« Appassionato, agitato molto »). Matthias Pintscher se montre ici dans son élément, réussissant à parer l' de ses plus belles couleurs.

Notons enfin que le livret dense compile une belle note de programme ainsi que de précieux entretiens avec chacun des solistes des concertos de Ligeti. Passionnant.

 

 

 

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