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Le Casse-Noisette sage et féérique du Staatsballett Berlin

Ce DVD propose une captation audiovisuelle du Casse-Noisette revisité en 2013 par les chorégraphes Russes Yuri Burlka et Vasily Medvedev pour  le . Ceux-ci proposent un Casse-Noisette sage et traditionnel en opérant une recherche sur  la chorégraphie et les décors originaux.

Le froid et l'hiver sonnent le retour du Casse-Noisette. Qui ne connaît ce ballet-féérie en deux actes avec prologue de Piotr Ilitch Tchaïkovski? Sa partition célébrissime et colorée, composée en 1891, inclut nombre d'emprunts au répertoire populaire. L'orchestration, achevée par le compositeur en 1892, fait une belle place à certains instruments rares comme le célesta ou le glockenspiel qui viennent renforcer l'aspect enchanté. La chorégraphie également émaillée de danses de caractères fut confiée à  par un  souffrant. Le livret fut, lui, élaboré par et Ivan Vsevolojski. Ceux-ci se sont fondés sur le conte « Histoire d'un Casse-Noisette » d'Alexandre Dumas inspiré du conte bien plus ténébreux d'Ernst Theodor Hoffmann « Casse-Noisette et le Roi des Souris ».

Le propose une captation audiovisuelle réalisée en 2014 de son spectacle au Deutsche Oper Berlin renouvelé en 2013. Ne vous effrayez pas d'emblée à la vue de la pochette figée aux couleurs passées, la réalisation est bien plus moderne. La caméra sait nous montrer l'essentiel en adaptant les cadrages, des plans larges ou plus serrés, tout en faisant occasionnellement de courts détours bienvenus vers la fosse d'orchestre.

Vladimir Malakhov, était encore en 2013 « Intendant » (Maître de ballet) de l'Opéra de Berlin lorsqu'il a confié aux chorégraphes Russes Yuri Burika et Vasily Medvedev, assistés de Stanislav Peco, la mission de formuler une version renouvelée du Casse-Noisette. Malahhov lui-même, durant sa carrière de danseur, avait tenu le rôle du Prince dans une chorégraphie de Patrick Bart.

Burika et Medvedev ont souhaité baser leur travail sur la version historique de pour créer ce qu'ils nomment une reconstitution. Leur livret est fidèle à l'esprit des débuts mais s'en éloignent quelque peu au niveau du récit. Le travail de recherche s'est également appliqué aux costumes. Réalisés par Tatiana Noginova , ils sont tour à tour ludiques et variés (les enfants, les polichinelles, l'armée des souris) ou féériques (les flocons de neige ou encore les fleurs), alliant détails anciens et lignes plus modernes. Même retour aux croquis originaux, avec moins de bonheur semble-t-il, pour les décors créés par Andrey Voytenko. Leur réalisme un peu pesant confine parfois au kitsch, de même que certains accessoires : était-il bien nécessaire d'affubler les chérubins de ce joli troisième tableau de chandelles électriques? Mais nest-ce pas là, après tout, l'atmosphère de Noëls anciens Outre-Rhin? On le voit, la tonalité est affirmée d'emblée : fidèle à la version d'origine, loin des propositions de Noureev ou du conte sombre d'Hoffmann, les auteurs prennent le parti d'un Casse-Noisette traditionnel résolument tourné vers le merveilleux et une douce magie à l'attention des plus jeunes.

Ces derniers d'ailleurs ne sont pas seulement installés dans le public puisque pas moins d'une cinquantaine d'élèves de la Staatliche Ballettschule Berlin (l'Ecole Nationale de Ballet de Berlin), exécutent sur scène avec talent et enthousiasme tantôt le Petit Galop des Enfants, tantôt, échappées en riant des jupes de la Mère Gigogne, les petites polichinelles espiègles assurent vaillamment leur prestation sur leur demi-pointes rouges. Plus tard, en prélude aux danses du quatrième tableau, les plus grands mènent avec application une Danse des Polichinelles, Poupées, Morisques et Poupées dorées, innovation des librettistes.

C'est l'Ukrainienne qui interprète le rôle de Clara / Fée Dragée. premier danseur au Staatsballett, son époux par ailleurs, tient le rôle du Casse-noisette de l'Acte ll/Prince Coqueluche. Leur technique et leur aplomb sont excellents et leur complicité évidente. Cependant, en raison du choix d'un Casse-Noisette plus lisse, le registre des émotions disponibles pour les danseurs est restreint, entre sourires ravis et larmes de tragi-comédie.

L'enchaînement des pas et figures, très fluide et net dans la danse de Clara et du Prince du second tableau est parfois un peu mécanique dans le pas de deux de la Fée Dragée et du Prince. Après la variation du Prince athlétique toute en grand jetés de , , légère sur ses pointes, offre une  version maîtrisée de la variation Fée Dragée, réputée très exigeante, ici quelque peu « allégée » au son du célesta. Les deux danseurs terminent par une belle démonstration de virtuosité dans la coda : manèges, tour fouetté de la danseuse et un élégant porté.

Quelques soucis rythmiques mais des prestations globalement réussies

Le corps de ballet exécute des prestations de belle qualité, mis à part quelques petites imprécisions et soucis de synchronisation non seulement entre les danseurs mais surtout, et c'est peut-être la source de ces ennuis, avec l'orchestre, ce qui est étonnant en présence d'une partition aussi imagée et d'un orchestre aussi expressif.

Le tableau attendu de la Danse des Flocons de Neige sur l'unique partie vocale, chantée par le Chœur des Enfants du Deutsche Oper, est plutôt réussi et fort poétique. Avec à propos, les flocons apparaissent sur scène d'abord un à un, comme lors des premières neiges, pour affluer doucement, plus nombreux et débuter leur valse sur scène. La fameuse Danse des Fleurs est assez réussie également.

Quant aux seconds solistes, ils illuminent les danses de caractères qui composent les divertissements (Danse espagnole, chinoise, arabe et le Trépak) et par la suite dans les danses énergiques et rafraîchissantes des Bouffons, des Mirlitons. Parmi les seconds rôles, on remarquera le travail du bondissant Roi des Souris (Arshak Ghaluyman dans cette distribution), celui du couple des jouets figurant le Prince (Alexander Shpak) et la Princesse (Iana Balova) dans un pas de deux bref mais délicat où ils relèvent le défi d'évoluer avec grâce tout en affectant une raideur d'automates. L'énigmatique Oncle Drosselmeier (Michael Banzhaf) remplit l'emploi relativement réduit de maître de cérémonie, présidant à la progression des différents tableaux. Mis à part quelques pas dans le premier acte, on ne profitera que de quelques révérences et ronds de jambes. On relèvera d'intelligentes interactions avec sa cape pour ajouter mystère et élégance à ses pas. Enfin, on notera l'assurance de la petite Elena Iseki qui incarne une jeune Clara attendrissante développant déjà une belle technique.

Ce conte sage et souriant se clôt sur une valse finale réunissant tous les danseurs dans une foule pittoresque et chatoyante. L'oncle Drosselmeier fait ses adieux tandis que la Fée Dragée et le Prince Coqueluche sont couronnés et demeurent au Confiturembourg. En n'incluant pas l'habituelle mise en abyme du réveil de la petite Clara sur son divan, qui sonnerait comme une dissipation du rêve, les chorégraphes optent décidément pour un Casse-Noisette merveilleux.

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