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Ultimatum de Pierre Jodlowski en création à Radio France

L' sous la direction de donnait en première mondiale Ultimatum de , une commande passée au lauréat du Grand Prix des lycéens 2015 par Musique nouvelle en liberté. L'œuvre est dédiée aux trois mille lycéens de France qui participent chaque année au concours.

Œuvre « coup de poing », Ultimatum « déchire » autant qu'elle émeut, par la force des mots qui l'irriguent et la présence des voix adolescentes qui les projettent haut et fort. Le compositeur s'empare du texte éponyme de Fernando Pessoa dans lequel l'écrivain fustige avec une rare violence les hommes au pouvoir : « AVIS d'expulsion à tous les mandarins de l'Europe [… ] Ultimatum à tous et à tous ceux qui leur ressemblent… ». C'est de la bande-son mixée à l'orchestre à cordes que nous parviennent les quatre voix de lycéens à qui Jodlowski à demander de dire ce texte : celles, superbement incarnées, des deux garçons qui se relaient d'une partie à l'autre. Les voix sont légèrement filtrées et réverbérées dans un contexte parfois saturé – cordes et sons fixés fusionnant avec la percussion – qui accuse la tension de ce qui se dit. Les deux voix de fille interviennent en surimpression, chuchotée d'abord puis hurlée dans le climax de la première partie. L'écriture instrumentale est au service du texte, modelant ses interventions sur le rythme et les scansions de la voix : cordes incisives traitées par masses compactes et vibrillonnantes, percussion efficace multipliant les impacts violents (grosse caisse et plaque tonnerre) dans une première partie très revendicative où, à un certain moment, les instrumentistes solidaires lèvent leur archet. Une salve de crotales lumineuses modifie l'atmosphère du second volet : « L'Europe a faim de Création et soif d'Avenir », des mots lancés avec une énergie folle par le deuxième lycéen avant l'assaut final d'une coda incandescente et purement instrumentale.

Le contraste est radical avec L'Ascension (1933) d', la première grande page orchestrale du compositeur de la Turangalila-Symphonie, qui referme somptueusement la première partie de concert. Méditations symphoniques, les quatre mouvements de cette oeuvre font appel à autant de formations instrumentales différentes et s'inscrivent dans un temps très long, hiératique et contemplatif, qui sied à cette Élévation. Redoutable pour la section des cuivres – irradiants sinon impeccables dans l'interprétation du « Philhar » – le choral qui débute l'œuvre communique d'emblée ferveur et plénitude. Sous la direction fluide de , les Alleluias sereins d'une âme que désire le ciel annoncent les futures polyphonies d'oiseaux, via le charivari des bois sous les texture légères des cordes; alors que le troisième mouvement, avec son orchestration par familles d'instruments, préfigure la « Turangalila »… la fugue finale détone d'autant! La méditation tendue de l'hymne final, avec ses cordes soyeuses en homophonie, est une splendeur sous les archets de l'orchestre et une infaillible source d'émotion.

Les Images pour orchestre de , données en seconde partie, se gorgent de vitalité et d'élans festifs sous la souple baguette de . La sensualité des lignes le dispute au jaillissement des couleurs dans un naturel confondant. Les trois Images sont données dans l'ordre habituel, avec le triptyque d'Iberia au centre. Gigues nous met en lévitation, avec un Orchestre Philharmonique très en verve et un merveilleux hautbois d'amour. Si Les parfums de la nuit, dans Iberia, manquent un peu de mystère à travers une interprétation qui se préoccupe moins de plans sonores que de mouvement, Par les rues et les chemins et Le matin d'un jour de fêtes nous éblouissent. Moins éclatantes mais tout aussi attachantes, Rondes de printemps délivrent leur charme discret dans une version à fleur d'émotion, pas toujours ciselée mais éminemment libre.

Crédit photographique : (c) Yannick Coupannec

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