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Lucrezia Borgia à Munich, Gruberovà toujours ?

Une Lucrezia Borgia dominée par plutôt que par la reine Gruberovà.

Les relations entre Edita Gruberovà et l'Opéra de Bavière sont un phénomène unique dans le monde lyrique d'aujourd'hui : des applaudissements sans fin, des salles toujours pleines, des mises en scène taillées sur mesure, et pendant des années une quasi-exclusivité sur le bel canto. Le triomphe pour la chanteuse à la fin de cette Lucrezia Borgia, plus de 45 ans après ses débuts sur cette scène, montre bien que le lien n'est pas rompu, même si les représentations se font plus rares. Il faut pourtant bien avouer que si la légende est intacte, la voix, elle, ne l'est pas. La question n'est plus tellement les maniérismes qu'on lui a longtemps reprochés, mais la substance même ; la voix est parfois couverte par l'orchestre, d'autant qu'elle n'est pas aidée par un chef plus soucieux de rigueur métronomique et de décibels que de théâtre ; les ornements sont souvent gommés, et cette manière le moment venu de tout orienter en fonction de l'aigu à venir est fort peu musicale.

Force théâtrale

Heureusement, le reste du spectacle permet de passer sur ces faiblesses. C'est avant tout qui, au cours du seul acte où il apparaît, est la sensation de la soirée, d'abord parce que la mise en scène dessine avec panache un personnage riche de tyran séduisant et impitoyable et qu'il l'exécute brillamment, ensuite parce que sa voix a tout le mordant, toute la variété et toute la souplesse nécessaire pour lui permettre d'aller loin dans son interprétation du personnage. Le Gennaro de , à ses côtés est beaucoup plus pâle, ce que compense heureusement en partie son ami Maffio Orsini : la voix étrange mais brillante de n'est pas à tous les goûts ; elle donne en tout cas un relief bienvenu à son personnage. La très efficace, très claire mise en scène de souligne avec intelligence les différents niveaux d'intrigue politique, en mettant notamment habilement en avant le rôle de Rustighello, qui donne au jeune une belle occasion de briller, en sbire prêt à toutes les bassesses mais ne dissimulant pas son ambition – tout est bon pour rester au plus près des puissants. Le répertoire du bel canto n'a pas toujours la chance de bénéficier d'un tel traitement : cette Lucrezia Borgia montre bien que certains au moins de ces opéras méritent qu'on prenne au sérieux leur force théâtrale.

Crédit photographique : © Wilfried Hösl

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