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Jacob Shaw, journal intime d’un jeune violoncelliste

, violoncelliste né en 1988, anglais de naissance et danois d'adoption, nous offre un auto-portrait musical, en forme d'itinéraire musical de son jeune parcours, enregistré sur six ans. Un projet musical parfois inégal mais alliant sincérité et convivialité.

 fut, comme tant d'autres, un étudiant voyageur, de la Yehudi Menuhin School de Surrey à l'Académie royale du Danemark où il s'est établi, en passant par l'école normale de Musique de Paris ou encore par Augsbourg. Ce CD se veut le témoignage de son odyssée.

Dans la foulée du prix octroyé par la Fondation groupe « Banque Populaire » française et de son diplôme de concertiste à l'ENM de Paris, dès 2009, il décida d'enregistrer les deux sonates pour violoncelle et piano de : un pari risqué vu son très jeune âge à l'époque en sus d'une concurrence discographique rude et pléthorique. Si le résultat de cet enregistrement est honorable et peut justifier une publication même très différée, il n'est pas exempt de quelques disparités. On sent encore une personnalité fébrile dont la tenue d'archet n'est pas toujours irréprochable. Plus d'une hésitation se fait jour : citons le tempo très retenu du premier temps de l'opus 38, où l'énoncé devient par moment chaloupé, ou un certain effacement dans le dialogue musical avec son partenaire lors du climax du même mouvement ou bien  encore durant tout le final fugué. On remarquera aussi dans le seconde sonate opus 99 un manque d'assise dans les démanchés « héroïques » du premier mouvement et une superficialité ambiante dans les deux derniers. Shaw est peu aidé par le piano clinquant et envahissant de , et par une curieuse balance sonore de l'enregistrement : certains forte du piano viennent heurter sans grâce les micros. Un témoignage juvénile et sympathique qui ne soutient pas la comparaison, avec de récentes parutions, par exemple Marie-Elisabeth Hecker/Martin Helmchen (Alpha), sans, bien entendu, en appeler aux versions historiques comme Jücker/Giger (Accord à rééditer) ou Rostropovitch/Serkin (DGG), ou aux versions isolées de chaque œuvre comme Gabetta/Grimaud (DGG) dans la première sonate ou Starker/Katchen (Decca) dans la seconde.

Le second disque, de captation plus proche dans le temps, est un patchwork confrontant la monumentale troisième suite op. 87 pour violoncelle seul de Britten à de brèves adaptations de mélodies populaires de divers horizons (danois, britannique, catalan ou chinois) et à deux méditations d'essence religieuse : une superbe prière hébraïque de Bloch voisine avec une bien prosaïque méditation persane de Theophile de Wallensbourg. Shaw a changé d'instrument, il joue maintenant un Testore prêté par l'Académie royale du Danemark et a raffiné et affermi son jeu, peaufiné la variété des attaques, et revu sa palette de nuances. Son sens musical s'est épanoui, la Troisième suite de Britten respire même trop à pleins poumons, là où Truls Mørk (Erato-Warner) réalisait un subtil dosage entre sève rhétorique néo-baroque et référence slave (en hommage au dédicataire Mstislav Rostropovitch) par un « piqué » autrement plus acéré et un discours plus tendu. Le reste de l'album, sorte de compromis entre la world music et une mystique planante, s'écoute avec un intérêt plus ou moins soutenu.

En définitive, trop de dispersion rend ce double disque un peu diffus. Comme le titre la pochette, c'est « juste » un début qui demande encore quelque confirmation mais qui reste sympathique.

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