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UM de Zad Moultaka créé au Théâtre Jean-Vilar de Vitry-sur-Seine

UM, la nouvelle oeuvre de créée au Théâtre Jean-Vilar à Vitry renvoie à la formule sacrée d'un mantra tout comme elle peut désigner les initiales de United Motors. C'est en effet dans le bruit d'un moteur (celui d'une Ferrari !) que s'origine le rituel imaginé par le compositeur libanais en quête de la notion du sacré en Occident.

Co-commande de l' et du Festival d'Île-de-France, UM, souverain moteur de toute chose convoque sur le plateau six chanteurs en fond de scène – les – et onze instrumentistes de l' sous la direction de leur chef : cuivres à jardin, cordes et bois à cour, avec au centre un volumineux set de percussions dont les steel-drums particulièrement sollicités. S'y ajoute un dispositif de projection sonore pour une superbe partie électronique agissant en temps réel et différé.
Si s'est inspiré du Livre tibétain des Morts pour élaborer cette cérémonie imaginaire, aucun emprunt, ni textuel, ni sonore, ne préside à l'écriture. C'est en confondant la prière de moines Tibétains – qui résonnait en continu dans l'hôtel où il résidait – avec un bruit de moteur, raconte-t-il, qu'il a envisagé de faire entendre des chants tibétains à partir d'un bruit de moteur, symbole de notre société consumériste en perte de spiritualité. Stocké dans son smartphone, le compositeur fait entendre au public, à l'issue du concert, le court échantillon sonore qui, donné en pâture aux logiciels de l', va s'étirer à l'infini et susciter, sous l'effet du grossissement de ses composantes, une exploration inouïe du spectre sonore, dans les registres extrêmes notamment.

Six étapes signalées par des sons de synthèse très réverbérants articulent la méditation qui débute par les voix – merveilleux Vocalsolisten Stuttgart. Entre murmure et scansion litanique du texte, l'écriture vocale, qui n'autorise que quelques inserts à voix haute, rejoint, au fil d'un long processus, l'idée d'un continuum mécanique (à l'instar du moteur), source d'inspiration originelle. « Le livret n'en est pas un », précise Moultaka dans les notes de programme, « s'apparentant davantage à une matière musicale composée de phonèmes inspirés des prières tibétaines ». L'intervention instrumentale est musclée – tubas et trombones très/trop en avant – qui imite l'écriture des voix dans un contexte sonore démultiplié et hybridé par les résonances du steel-drum. Superbe est cette longue plage méditative dans un espace largement déployé où les résonances de l'archet sur les lames du vibraphone – centrale Isabelle Cornelis – sont relayées par les bois sur la toile électronique très sombre. Moultaka travaille subtilement à la convergence de toutes les sources sonores avant l'ultime écoute dans le noir où le flux électronique richement irisé semble répercuter les voix lointaines d'un chœur virtuel.

On est saisi, une heure durant, par l'étrangeté de cette célébration ménageant d'abrupts contrastes exploités par les lumières de . S'agissant de l'acoustique un peu sèche du Théâtre Jean-Vilar, on se plait à imaginer l'envergure que pourrait prendre cette spirale sonore fantasmatique dans l'acoustique généreuse d'une architecture comme celle de Saint-Eustache.

Photo : © DR

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