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À Turin, peu convaincante nouvelle production de La Bohème

La nouvelle production de La Bohème de en ouverture de saison du Teatro Regio de Turin s'avère peu convaincante pour qui s'arrête à la lettre de l'œuvre tant musicale que théâtrale du compositeur italien.

Faire du neuf à tout prix. C'est un peu l'idée maîtresse d' dans cette nouvelle production de La Bohème de . Adieu au siècle dernier, berceau de l'intrigue originale de cet opéra. En la transposant dans notre époque moderne, dans le gigantesque décor (par ) d'une cité de gratte-ciels gris et bruns, c'est la masure sous les toits de Paris qui disparaît. Et avec elle, un peu de la poésie du roman d'Henri Murger. Si l'on peut admettre que la vie des jeunes artistes écrivains, musiciens ou peintres reste aussi difficile de nos jours qu'au début du siècle dernier, et quand bien même l'esprit amoureux n'a pas d'âge, la manière dont use pour le raconter ne colle pas avec celui de l'époque de Puccini et de ses librettistes. Les jeunes n'aiment plus comme Rodolfo et Mimi. Et à l'ère des antibiotiques, difficile de sauver une mourante avec un cordial !

Bien entendu, confronté à ces incohérences, on ne se sent pas très à l'aise avec le discours scénique. Alors, on tend à ne plus voir que les défauts. Ainsi, dans la scène du Café Momo, ne soigne guère sa direction d'acteurs. La profusion de personnages aux tables du restaurant, les serveurs s'agitant, les clients bougeant sans cesse, font perdre l'attention sur les protagonistes en même temps que sur leur chant. Il faut une concentration soutenue (avec le gros plan d'une paire de jumelles !) pour apprécier tout le comique de la scène de Musetta (pimpante soprano sud-africaine qui subvient à un certain manque de projection vocale avec un irrésistible talent de comédienne).

Vocalement, la distribution est très équilibrée. Trop même puisque personne ne sort du lot. Ainsi les deux principaux protagonistes sont-ils noyés dans la masse des autres. Ce qui pourrait paraître comme une qualité dans certains opéras, ici tend à aplanir la personnalité du couple Rodolfo/Mimi. Un nivellement qui s'accentue avec leur déficit de présence scénique, de charisme. Pourtant, ils offrent de beaux moments de chant –on pense au Che gelida manina de (Rodolfo) et au Donde lieta usci de (Mimi). Cependant, jamais ils ne soulèvent l'émotion puccinienne qu'on attend de ces pages.

Si les nombreuses harmoniques de la voix de Marcello Cavalletti (Marcello) et la belle diction de la basse (Colline) charment l'écoute, leur jeu théâtral apparaît considérablement retenu, voire emprunté.

À leur décharge, peut-être que le décor, ingrat, immense, froid et mal adapté à l'expression théâtrale, et l'éloignement physique des chanteurs du bord de scène sont pour quelque chose dans cette perte d'intimité entre les interprètes. À voir l'ampleur inhabituelle des gestes de et le regard continuel des solistes vers le chef, on ressent que la symbiose entre la fosse et la scène s'avère difficile.

Si le Chœur du Teatro Regio n'apparaît pas au meilleur de sa forme, en revanche, sous l'impulsion de , l'orchestre de l'opéra affirme sa présence imposante offrant des bouffées débordantes de musicalité dans les courts instants où il s'exprime seul.

Crédit photographique : © Ramella&Giannese, © Virginio Levrio

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