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Poésie et flamboyance espagnoles à la Maison de la radio

La Maison de la Radio consacrait son week-end à la musique espagnole. Une occasion d’entendre les Goyescas de Granados, en cette année du centenaire de sa mort, et le Grand concert-fantaisie sur des thèmes espagnols de Liszt, sous les doigts d’Andreï Korobeinikov.

Le cycle des Goyescas s’appuie sur des formes hispaniques (zarzuela, fandango) très en vogue, surtout depuis le XIXe siècle. Pourtant, à l’image des peintures de Goya qui l’inspirent, ces pièces sont dépourvues de folklore ou de pittoresque, plus présent chez son compatriote Albéniz par exemple. Les thèmes colorés, les motifs de guitare, les rythmes dansants sont imbriqués et travaillés dans une écriture foisonnante et profondément romantique. En cela, cette œuvre permet de former un programme cohérent avec celle de Liszt. Cependant, dans le Grand concert-fantaisie de Liszt, cette hispanité est davantage une occasion de virtuosité et d’enrichissement de sa palette par des couleurs rapportées de ce pays où il séjourna pendant ses tournées. Variations et fantaisies se développent autour d’un fandango, d’une jota aragonaise, puis du chant de la Cachuca, pour former l’œuvre la plus conséquente de la série espagnole du compositeur.

Il faut saluer l’endurance et la technique du pianiste qui enchaîne des œuvres complexes et longues (une heure pour les Goyescas), d’ailleurs sans presque de pause, ce que le public peut regretter car elles auraient fourni une respiration bienvenue. Dans un premier temps, Korobeinikov semble entrer difficilement et presque avec hésitation dans les Goyescas : il manque une ligne directrice claire à l’enchevêtrement de voix de Los requiebros (Les galanteries), les couleurs semblent un peu ternes, certains crescendos pourraient être amenés avec plus d’ampleurs, les rubatos pourraient être plus libres. Mais au fil des pièces des atmosphères plus définies et plus poétiques s’installent, notamment avec le thème mélancolique de Quejas o la maja y el ruiseñor (Complainte, ou la maja et le rossignol), repris de manière plus dramatique dans El amor y la muerte. Les changements fréquents d’atmosphères, de tempo, de nuances, y sont mieux sentis et mieux amenés et suscitent cette « joie dans la douleur » souhaitée par le compositeur dans sa partition. Korobeinikov sait aussi faire dialoguer les motifs de guitare en pizzicato et le chant principal du Fandango del candil (Le fandango de la chandelle). Le cycle est complété d’El Pelele (le pantin), également inspiré d’un tableau de Goya, dont l’interprétation bondissante clôt très bien cette partie.

Le Grand concert-fantaisie de Liszt, dont les effets spectaculaires (entrée avec glissando et déchaînement d’accords, staccatos brillants…) sont soulignés, sans excès, par le jeu varié du pianiste, offre au concert une fin éclatante et très applaudie.

Crédits photographiques : Andreï Korobeinikov © Irene Zandelo

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