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Il était une fois la féérie musicale romantique française

Voici un projet roboratif  et réjouissant, un CD musicalement abouti une fois admis ses principes. Un véritable abrégé de cent -cinquante années d'histoire de l'opérette ou de l'opéra bouffe à la française. Le tout est arrangé pour deux solistes du chant et quatuor avec piano. Une réussite inattendue et exemplaire.

À l'époque romantique et au début du XXe siècle, pour nombre de compositeurs, l'imaginaire féérique s'est substitué à l'allégorie mythologique des époques baroques et classiques. Citons brièvement le texte de présentation d'Helène Cao et d'Alexandre Dratwicki : « L'idée (est) de reconstruire dans cet enregistrement un conte universel, puisant au gré des rebondissements dans les histoires d'autrefois, le tout sur fond de musique romantique française alternant compositeurs célèbres, en pleine réhabilitation, ou encore inconnus ». « Français » devant être pris au sens très large puisque on trouvera aussi un (magnifique) air de l'Italienne à Alger de Rossini dans la traduction ad hoc. De même le texte justifie la réduction orchestrale à un petit ensemble de chambre par les pratiques courantes – tant au salon qu'à l'église – de la transcription durant les deux derniers siècles. Le quatuor avec piano permet aussi quelques intermèdes musicaux de la plus belle eau, comme le  mouvement lent du Quatuor avec piano d', parfaitement en situation, à la mélancolique place où on l'a inséré et ici défendu par des interprètes de haute tenue.

L'argument n'a donc guère d'intérêt en soi (une banale rencontre, au cours d'un bal et  sous les auspices d'une bonne fée, d'un prince charmant en mal d'amour et d'une princesse à la vie ennuyeuse) mais c'est surtout la manière avec laquelle chaque pièce du patchwork musical a été choisie et rapportée à ses voisines qui force l'admiration. On reconnaît un choix et un travail de bénédictin, sous la houlette du , bien connu pour sa réhabilitation du répertoire français de l'ère romantique. Certes toutes ces pages ne se valent pas ; il est peu probable que l'on ressuscite un jour en version intégrale La Saint-Valentin de Frédéric Toulmouche, ou la Demoiselle au téléphone de Gaston Serpette. Mais ici, le tout vaut bien plus que la somme des parties (où l'on trouve aussi entre autres les noms de , , ou surtout ).

Ce projet pour être une totale réussite demandait des interprètes à la hauteur : c'est le cas avec la jeune soprano légère belge Jodie Devos, à l'aube d'une grande carrière, (Jeune artiste ICMA 2015, deuxième lauréate du Concours Reine Elisabeth de Bruxelles en 2014 et déjà remarquée à Liège en Rosine du Barbier de Séville), à la voix aussi suave que fruitée à laquelle la mezzo–soprano , déjà rencontrée dans diverses productions baroques, mais au répertoire bien plus large, donne une réplique puissante et raffinée, aux timbres changeants au gré des personnages interprétés. Le leur apporte un savoureux accompagnement, aussi attentif que précis et de-ci de-là humoristique. Mention spéciale aussi pour l'ensemble des arrangements d' qui confère au petit ensemble chambriste une puissance et une couleur toute orchestrales.

Le seul petit regret est qu'une captation vidéo d'un spectacle aussi poétique n'ait pas été livrée par un DVD joint au CD. Seules quelques photos et autres probables reproductions des décors nous apportent une maigre consolation. Mais quelle belle, agréable et utile révélation !

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