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Heurs et malheurs du concours de promotion du Ballet de l’Opéra de Paris

Comme tout concours, celui du Ballet de l'Opéra de Paris réserve des surprises… et des déconvenues! Cette année, chez les filles, et Heloïse Bourdon en ont fait les frais, mais dans l'ensemble le concours a permis d'offrir de très belles prestations et de révéler le potentiel des danseuses de la compagnie.

Chez les quadrilles, il y a eu de belles découvertes, de jolis choix artistiques mais aussi de petites catastrophes, en partie dues au stress qui a parfois tétanisé ces danseuses. Le manque d'expérience sur scène se fait sentir, notamment dans la variation imposée – variation de la sixième fée dans la Belle au bois dormant de Rudolph Noureev. C'est d'ailleurs frappant de voir la transformation de ces danseuses entre la variation imposée et la libre. De gênées par la technique, tremblantes parfois dans la redoutable diagonale de doubles tours, elles se métamorphosent en vraies femmes, sensuelles comme Sofia Rosolini et Caroline Osmont qui ondulent sur les déhanchés et décalés de Forsythe. Techniquement et artistiquement, la classe a été dominée par , qui a fait preuve d'une grâce, d'un délié et d'une respiration remarquables. Parmi celles qui tirent leur épingle du jeu dans l'imposée, on retiendra également Camille Bon, constante dans la libre comme dans l'imposée et Amélie Joannidès, danseuse au physique délicat qui s'est fait remarquer par sa grâce et son côté pétillant. Finalement c'est Camille Bon, entrée dans le corps de ballet par le concours de recrutement externe en 2015, qui est promue coryphée, obtient la seconde place et Ambre Chiarcosso la troisième.

Chez les coryphées, on ne rencontre plus les mêmes difficultés liées à la technique. Il est donc plus difficile de les départager avec la variation imposée, toujours extraite de la Belle au bois dormant de Noureev. Le niveau global est bon, mais la variation d'Aurore, bien exécutée reste un peu lisse. est arrivée sur scène avec une maîtrise, une assurance et une délicatesse lui permettant de surpasser toutes ses concurrentes. Mais soudain… patatras, la voilà par terre! Murmure de stupéfaction dans la salle. Cet accident – qui tient plus de la malchance que de l'erreur technique – lui coutera la première place.
La place de sujet a finalement été attribuée à qui a en effet réalisé un beau concours: elle est parvenue à instiller beaucoup de tendresse dans la variation imposée, avec notamment de très jolis bras, délicats et sensibles. En libre, sa variation extraite de Joyaux de Balanchine était très propre. On peut lui reprocher un certain manque de relief qui lui permette de se démarquer encore plus nettement.
On notera aussi les belles prestations d'Aubane Philbert, qui a fait preuve d'une grande fluidité dans son interprétation de Juliette, et de Sophie Mayoux, qui a incarné une superbe Bayadère, tout en nuance et en émotion.
est classée deuxième, façon de reconnaitre son mérite et ses qualités tout en sanctionnant cette chute.

La classe des sujets était particulièrement attendue avec plusieurs prétendantes de poids au titre de première danseuse, notamment , , et . La variation imposée, Dulcinée/Kitri dans la scène de la vision de Don Quichotte, présentait de nombreux passages épineux, en particulier la fameuse diagonale de ronds de jambe sautés sur pointes.

S'il y en a une à qui la technique ne fait pas peur, c'est bien ! Son aisance absolue donne une impression de facilité, même dans les passages les plus ardus. Chaque ligne est travaillée, chaque geste d'une précision extrême. sait également donner à sa danse quelque chose d'aérien et de fluide, évitant l'écueil de la pure performance sans âme. Elle a su faire la différence dans l'imposée, malgré de très belles prestations de et . Quant à Heloïse Bourdon, elle a fait preuve d'une étonnante fragilité, flanchant dans la diagonale de sauts sur pointes. C'est une déception quant on connaît toutes les qualités de cette danseuse, qui a été déjà assumé des rôles d'étoile, comme dans le Lac des Cygnes.

Dans la libre, et ont réalisé des interprétations hors norme, toutes deux dans Other Dances de Robbins. Barbeau, dans la seconde variation au rythme lent et mélancolique, a fait preuve d'une parfaite maitrise, jouant avec les équilibres et les respirations, retenant jusqu'à la dernière seconde les développés et les arabesques. Son interprétation, d'une grande sensibilité et musicalité, témoigne de sa maturité et laisse entrevoir un avenir de soliste de talent.

Guérineau a été éblouissante dans la première variation d'Other Dances, jouant avec les accélérations, les accents musicaux, insufflant vie à cette variation très enlevée de Robbins.

Park a joué la carte du classique, interprétant la variation de l'Etoile dans Paquita. Ce choix s'est avéré payant. Dans ce style brillant, elle a littéralement explosé, jaillissant des coulisses avec une diagonale de grands jetés. Elle a toutes les qualités d'une grande danseuse classique, et la dimension d'une étoile, si elle parvient à insuffler ce supplément d'âme qui fait les grandes artistes.

C'est finalement Sae Eun Park qui a accédé au titre de première danseuse. s'est montré clairement en retrait; sa prestation libre – une variation extraite de La Maison de Bernarda Alba de – ne permettant pas de contrebalancer sa contre-performance sur l'imposée.

Crédits photographiques: Photographie n° 1 : ; Photographie n° 2 : Sae Eun Park, © Sébastien Mathé, Opéra national de Paris.l

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