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Chostakovitch et Tchaïkovski intimes de Linus Roth et Thomas Sanderling

Derrière un programme a priori classique, et proposent le Concerto pour violon de Tchaïkovski dans une version intégrale au plus près des intention du compositeur, et donnent une version intime et profondément vécue du Concerto n° 2  pour violon de Chostakovitch.  

pourrait être le père de , 35 ans les séparent en effet, mais sur cet album comme dans la vie ils sont des compagnons de route musicale, et de musique russe en particulier. Ils ont ainsi co-fondé la Société Internationale Mieczysław Weinberg, très proche ami de Chostakovitch, pour défendre son vaste oeuvre négligé du vivant du compositeur russe d'origine polonaise. a rencontré Chostakovitch et créé plusieurs de ses œuvres au disque. Autant dire que cet album ne s'inscrit pas (seulement) comme passage discographique obligé du violoniste, mais est un témoignage de musiciens qui jouent une musique au cœur de leur identité.

L'interprétation du Concerto de Tchaïkovski est basée sur la version urtext de l'édition Henle, et se veut donc la plus proche de l'intention du compositeur. Les violonistes ont pris l'habitude de jouer des versions adaptées à leurs propres exigences, cette version comprend deux cent cinquante (!) mesures de plus que la version Menuhin/Fricsay, et est cinq bonnes minutes plus longue que la plupart des autres versions, ce qui donne plus d'ampleur notamment au finale. La nouveauté la plus frappante est toutefois dans le mouvement lent joué en sourdine, ce qui était expressément demandé par le compositeur mais n'a jamais été respecté car il est alors très délicat de garder un équilibre avec un orchestre complet. L'effet est magnifique, donnant un effet introspectif et de l'épaisseur dramatique à une musique brillante et de démonstration. D'autres violonistes ont pu donner une densité psychologique magnifique à ce mouvement (on pense à Leonid Kogan), mais l'étouffoir de la sourdine apporte un mystère unique.

Le Concerto violon n° 2 de , le dernier concerto de la main du compositeur (1967), est une création hybride entre le compositeur public des œuvres orchestrales et le musicien intime qui se révèle dans sa musique de chambre. Moins lyrique que le beaucoup plus joué Concerto n° 1, il ne vise pas à la même immédiateté expressive déchirante, mais il plane au dessus d'abîmes psychologiques avec une économie de moyens supérieure caractéristique de la dernière période de Chostakovitch. et Thomas Sanderling sont en osmose dans cette oeuvre, l'élégance et la finesse de trait du violoniste s'associant à un souci d'expressivité qui n'est jamais ostentatoire. Que ce soit dans l'introspection du premier mouvement, la relative détente lyrique du mouvement lent, ou dans l'humour grinçant (un humour au troisième voire au quatrième degré) du mouvement conclusif, les musiciens bien soutenus par un délicat et précis sont au plus près des intentions du compositeur.

Soulignons enfin le soin éditorial apporté à ce disque, le format SACD, la pochette cartonnée, le livret aussi fouillé qu'écrit dans un style volontairement familier (on oserait même dire « cool », c'est dire) qui donne un coup de vieux aux notices solennelles habituelles, et le choix de placer le concerto de Chostakovitch en ouverture de l'album, marquant ainsi sa plus grande signification pour nous aujourd'hui. Autant de petits détails qui complètent la démonstration que l'on a affaire à un disque fait maison, bien de notre époque, bref un disque… de qualité.

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