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Les mélodies françaises, terre d’asile de Tassis Christoyannis

La mélodie française colle apparemment à la peau du baryton grec et du pianiste . Nous en avions déjà fait le constat dans leurs précédents enregistrements des mélodies de Benjamin Godard en avril dernier et fin 2015 pour les mélodies d'Edouard Lalo. Alors que le s'inscrit plus fréquemment dans la redécouverte de compositeurs oubliés, c'est l'exploration de quatre cycles de mélodies d'une grande figure de la musique française qui est proposé dans ce disque.

C'est un art de la mélodie particulièrement abouti de que révèle ce nouvel opus de et . Cette maîtrise d'écriture correspond certainement à une maturité de l'artiste sur ce genre qu'il a côtoyé tout au long de sa vie puisque La Cendre Rouge date de 1914 alors que les Cinq poèmes de Ronsard et les Vieilles Chansons ont été composés l'année de sa mort ; seules les Mélodies persanes ont été écrites en 1870. Ainsi, les formes strophiques sont pratiquement délaissées et le spectaculaire brille par son absence au profit d'une prosodie et de climats musicaux particulièrement justes. La programmation de cet enregistrement dévoile ainsi la candeur des Cinq poèmes de Ronsard que les interprètes ne dénaturent aucunement (et c'est tant mieux !), la gravité de La Cendre rouge inspirée de la Grande Guerre, l'orientalisme assumé mais modéré des Mélodies persanes plus exubérantes que les Vieilles Chansons plus épurées.

En parallèle de cette approche moderne du discours musical, la partie de piano se développe. A la fois sobre et virtuose, assume pleinement une partition très dense dans les intentions comme dans les nuances. Les gouttes d'eau sont d'une précision implacable dans Jour de pluie, le second plan musical Au Cimetière est doté d'une élégante rondeur et de simplicité alors que le pianiste prouve qu'il peut-être bien plus impétueux dans Sabre en main, pourvu de beaucoup d'humour dans Grasselette et Maigrelette, ou d'une technicité sans faille dans Tournoiement. Le pianiste est ainsi conforme aux attentes de Saint-Saëns, conscient que « c'est du vrai piano, auquel il faut un vrai pianiste. »

développe les mêmes qualités interprétatives que son accompagnateur, alors que la partie vocale se tourne de plus en plus vers le chanté-parlé. Les chuchotements de La Cendre Rouge le démontrent ; les nombreux écrits du compositeur le confirment : « mes nouvelles mélodies sont peu mélodiques ; cela ne ressemble à rien de ce que j'ai fait ni à ce que font les autres. » Mais qui de mieux que Tassis Christoyannis, un amoureux inconditionnel des mots (en langue française rappelons-le !), pour défendre ce répertoire. La diction est soignée, l'articulation est clairement travaillée dans les moindres détails… Lucide sur certaines faiblesses que présentent ces pièces, (certains poèmes sont, avouons-le, assez ordinaires), le baryton devient alors plus musical par une coloration vocale modulée en fonction des intentions, ou déploie une richesse interprétative sans jamais sombrer dans l'excès. Rien de mieux qu'un artiste grec pour défendre notre répertoire musical français !

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