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Lady Macbeth de Munich, opéra pour orchestre

Quand distribution et mise en scène déçoivent, il reste toujours .

On ne peut pas toujours proposer, dans les grandes maisons d'opéra, les mises en scène les plus avant-gardistes, mais Lady Macbeth de Mtsensk est de ces œuvres qui appellent l'audace. C'est pourtant à que l'Opéra de Bavière a fait cette fois appel, et le résultat est plus timoré encore qu'on aurait pu le craindre. Kupfer se repose pour ce spectacle entièrement sur les décors de pour donner une atmosphère au spectacle, et ce hall d'usine à la hauteur vertigineuse impressionne, à vrai dire avec ce plaisir esthétique un peu suspect que donnent les misères du passé : plutôt que de matérialiser l'oppression des personnages, il met le drame à distance des spectateurs. Sa direction d'acteurs montre sans nul doute le produit de six décennies d'expérience à l'opéra, mais elle aussi fuit la difficulté en se contentant d'une narration linéaire, sans surprise ni aspérités. À la fin du spectacle, après le suicide de Katia, Kupfer montre le vieux prisonnier, seul au milieu de la scène, qui se signe avec componction : couleur locale en forme de caricature de l' »âme russe », barbe postiche de moujik incluse.

Musicalement, et malgré le soin que prend à donner aux chanteurs tous les soutiens dont ils peuvent avoir besoin, c'est la fosse qui domine toute la soirée, notamment à cause des titulaires des rôles principaux. n'a plus que des traces de sa formidable voix, désormais privée d'autorité, et Sergey Skorokhodov livre un Zinovi encore plus transparent que ne l'est son personnage. Le couple meurtrier se tire mieux de sa partition, mais ni , ni ne convainquent vraiment. La voix de Didyk est plutôt celle d'un héros tourmenté que d'un séducteur désinvolte, ce qui perturbe l'équilibre du drame ; , elle, ne parvient à force de prudence à ne livrer que les notes de son rôle : c'est sans doute beaucoup pour qui ne connaît pas l'œuvre, mais la partition demande et rend possible bien plus que cette monotonie expressive, que ni les épanchements lyriques de l'héroïne, ni les moments de plus grande violence ne parviennent à entamer. Les nombreux petits rôles, heureusement, font mieux, la Sonia d' par exemple, ou parfait de timbre et de présence vocale dans ses deux rôles.

Beauté sonore et théâtre en musique

Seule la fosse (et un chœur à la virtuosité impeccable) réussit cependant à donner au spectacle la tension qui lui manque sur scène. , on s'en doute, ne fait pas dans le grand-guignol et ne déchaîne les décibels qu'avec parcimonie – l'interlude du premier acte est même d'une retenue très inattendue ; mais, dès les premières notes, l'auditeur est saisi par l'intensité des couleurs orchestrales : tout ici est intensément expressif, avec une particulière attention à la peinture des passions humaines que Petrenko préfère visiblement (et justement) à la surcharge du grotesque. Rien n'est pourtant plus éloigné de ce travail que l'idée d'une plénitude sonore valant pour elle-même : voilà du vrai théâtre en musique, et un chef qui ne rêve pas à son prochain concert symphonique en dirigeant l'opéra. Un peu plus de trois ans après son entrée en fonction comme directeur musical, Petrenko obtient de ses musiciens une fête musicale que seule la continuité d'un travail de fond permet d'obtenir. Les spectateurs peuvent remercier les musiciens de se plier aux exigences impitoyables d'un pareil artiste.

Crédits photographiques : © W. Hoesl

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